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NOTES 475

viction. Si l'on se rappelle les romans et les nouvelles précé- demment publiées par M. Jean-Jacques Bernard, L'Epicier, Les enfants jouent, on reconnaîtra que cette vigueur d'invention est précisément ce qu'on y trouve le njoins, alors que la notation des choses vues ou des émotions directement éprouvées est toujours délicate et vraie.

SrLe Feu qui reprend mal, joué le printemps dernier par les Escholiers, a rencontré un succès unanime, c'est que, fortuitement ou de propos délibéré, l'auteur a mis en œuvre un sujet qui ressortissait entièrement à ses qualités et où il a pu en donner la mesure. Le retour des héros à leur foyer tenait autant de place dans l'épopée grecque que la guerre de Troie tout entière. Il n'existe pas de sujet plus émouvant, et les événements contemporains ont été de telle nature, ils ont causé des séparations si longues, des disparitions, des rencontres, des bouleversements si imprévus que, de long- temps, nous n'aurons pas épuisé cette mine de sujets pathé- tiques. La jalousie conjugale qui fait l'étoffe du drame de M. Jean-Jacques Bernard pourrait aussi bien éclater ailleurs qu'entre un prisonnier qui rentre d'Allemagne et une jeune femme qui a conçu pour un officier américain un sentiment tendre mais innocent. Pourtant le conflit du Feu qui reprend mal reçoit de la guerre sa couleur et sa motivation. Il est particulier et général ; c'est ce qui fait sa force. Des conver- sations entre quatre personnages suffisent à nourrir ces trois actes. La joie du prisonnier qui rentre inopinément chez lui, qui trouve chaque chose à sa place, les meubles, ses vête- ments la trace de toutes les vieilles habitudes ; sa serviette même semble être restée dans le tiroir, roulée dans son lien... Non, c'est celle de l'Américain qui vient de partir, et la jalousie fait sentir sa première morsure. C'est par des traits aussi simples que procède M. Jean-Jacques Bernard. La déli- catesse avec laquelle il les choisit en fait l'éloquence, et une bonté sobre de phrases les réchauffe d'une sensibilité de bon aloi. jean schlumberger

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