Page:NRF 17.djvu/467

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 461

qu'un romancier français se doit d'avoir écrit au moins une fois une Madame Bovary, je veux dire d'avoir fait vivre un caractère de femme en conflit avec son milieu en général eî son mari, délégué du milieu, en particulier. Sujet, en France, toujours inépuisable. M. Boylesve, qui l'a abordé dans Made- leine jeune femme, le reprend, d'un autre point de vue, dans Elise, et il pourrait répéter encore, en nous faisant le même plaisir, ce motif d'une plasticité infinie. Un Tourangeau comme M. Boylesve et dont la manière offre d'intéressantes affinités avec la sienne, M. Francis de Miomandre, 3L\^\t,~d!insV Aventure de Thérèse Beauchamp, délicieusement rajeuni le vieux sujet simplement en y mettant un Chinois. Comme un critique sait gré à un auteur de cette indication spirituelle et transparente ! Un homme avisé comme M. Boylesve a toujours un Chinois sous la main, je veux dire la variation individuelle et le détail singulier qui renouvellera l'éternelle situation, le clinamen qui fera dévier de la ligne droite l'atome élémentaire du roman.. On s'est étonné qu'Elise aime un homme aussi insignifiant que Le Coultre. Mais tout le roman est là. Si on voulait le ramener à une thèse, il faudrait dire qu'Elise c'est le roman du faux- ménage, et que, dans cette Physiologie de l'amour moderne que tout romancier français contient en puissance, le chapitre Des faux-ménages peut copier tout le texte du chapitre Des licences poétiques dans le Traité de poésie de Théodore de Banville : // n'y en a pas. Tout faux-ménage est un ménage, tous les irréguliers de l'amour ont leurs règles, et ces règles sont aussi étroites et plus ridicules que les autres. Est-ce à dire que ce ne soit pas la peine de changer ? Nullement. Ce serait une thèse et M. Boylesve, observateur curieux de la vie, pense qu'un roman à thèse n'est pas vrai. Ce fut pour Elise la peine de changer, puisqu'en changeant elle aima. Entre les deux mécanismes où est pris successivement un cœur de femme comme le sien, il y a l'instant de tension, de joie et de plénitude où elle a' vécu, et tout est bien ainsi, car la nature n'a pas donné aux êtres vivants l'amour comme une continuité mais comme un instant. On aimera l'humour, si retenu et si bien dosé, avec lequel M. Boylesve fait tourner l'un vers l'autre les deux tableaux symétriques, peuplés de ces fantoches pittoresques et sympa- thiques qu'il excelle à modeler. L'art du roman pourrait se

�� �