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458 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Chaque langage, à chaque époque, est un système dont presque tous les éléments se correspondent suivant des équi- libres qui sont propres aux langues (voir p. lé) et qu'il est inutile de ccfeiparer à un organisme vivant. Or le système linguistique est un bon objet pour la généralisation scientifique. Multiple — car aucune langue n'a le même système qu'une autre, c'est un objet d'observation d'une abondance telle en combinaisons diverses d'éléments d'ailleurs peu nombreux, que la presque impossibilité d'expérimenter est sans inconvénients. Changeant avec une telle rapidité que l'observation des temps his- toriques — ce moment si bref de la vie de l'humanité — permet d'étudier l'évolution de plusieurs groupes de langues issue d'un même ancêtre, c'est un sujet d'envie pour les zoologistes et les botanistes qui sont gênés par la quasi fixité des espèces actuelles.

Pour toutes ces raisons « la recherche des lois générales, tant morphologiques que phonétiques, doit être désormais l'un des principaux objets de la linguistique (p. 13).

La linguistique générale est donc entrain de naître. M. Meil- let aura beaucoup fait pour lui donner conscience d'elle-même : qu'on lise, entre autres, le chapitre qui a le même titre que le livre (p. 45 à 60). Il a lui-même d'autre part marqué les limites présentes de la nouvelle science (p. 48) : « Sans sortir de la discipline grammaticale proprement dite, il semble qu'il soit possible de dégager des principes. Sans doute ces principes devront s'expliquer en dernière analyse par les conditions phy- siques, anatomiques, physiologiques, psychiques, sociales dans lesquelles se trouvent les sujets parlants... Pour les dégager il faudrait un livre qui n'est pas encore fait, et qui n'est sans doute pas encore assez préparé par des recherches de détail pour être écrit dès maintenant». M. Meillet écrira peut-être cependant ce livre nécessaire...

Jusqu'à présent, depuis une quinzaine d'années, ses recher- ches originales ont eu surtout pour objet les causes sociales qui peuvent partiellement, d'après lui, non pas seulement dégager les principes linguistiques, mais expliquer les faits : « Du fait que le langage est une institution sociale, il résulte que la lin- guistique est une science sociale, et le seul élément variable auquel on puisse recourir pour rendre compte des change- ments linguistiques est le changement social dont les variations

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