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444 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

atmosphère chaude et bienfaisante pour une œuvre d'art histo- rique. L'histoire romaine depuis les guerres puniques jusqu'à Auguste peut être dite une des plus curieuses, des plus origi- nales et des plus fécondes qui aient été vécues par un peuple. L'Gccident a connu trois formes politiques : la cité, l'Etat moyen et l'Empire ; toutes trois sont présentes, à l'état de déclin ou de formation, et luttant tragiquement entre elles, dans l'his- toire de la République romaine. Cette histoire est animée par des figures d'une originalité et d'un relief incomparables. Et surtout cette originalité et ce relief nous sont transmis par le miroir de grandes oeuvres d'art ; l'historien n'en fait de la beauté que parce qu'il les étudie dans la beauté, qu'il prend la suite de Polybe, de Salluste et de Ciceron (sans comp- ter la précieuse rallonge fournie par ces Vies que Plutarque n'a pas continuées après César). L'histoire est le seul genre littéraire qui prenne naissance et perfection dans la lecture, qui se nourrisse de lecture. Un historien est un lecteur avant d'être un écrivain, et le lecteur de Cicéron se continuera plus souplement en l'écrivain que le lecteur de Lampride ou de Sulpice Sévère. En d'autres termes l'homme de culture clas- sique vit dans la cité romaine avant Tibère comme il vivait dans la cité athénienne. Son point de perspective se con- fond avec la perspective centrale de l'Etat. A partir de Tibère, il n'en est plus de même, notre point de perspective devient celui de la province ou de la religion, nous sommes Gaulois ou chrétiens avant d'être Romains, et le grand courant historique ne s'appelle plus histoire romaine. 11 s'appelle pour nous, déjà, histoire de France, dont l'histoire de la Gaule romaine fait le premier chapitre, ou il s'appelle histoire du christianisme, et nous passons à un ordre d'histoire nouveau. Si Mommsen et M. Ferrero n'ont pas continué leur histoire romaine sur le plan qui leur avait servi pour celle de la République, si pour la période impériale ils se sont bornés à des fragments, c'est pro- bablement qu'ils sentaient qu'il n'y avait pas de suite possible, et que l'histoire de l'empire romain ne pouvait présenter avec l'histoire de la République qu'une continuité de durée et non une continuité de sujet.

Ace point qu'il y a, semble-t-il, un grand paradoxe à étudier du point de vue de Rome l'histoire de l'empire romain, et le

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