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LES IDÉES ET LES AGES 439

comme assuré. De tous les genres de sécurité, la sécurité d'esprit est peut-être la plus nécessaire ; et cela d'autant plus que l'esprit est mieux éveillé, c'est-à-dire plus attentif à ses propres conceptions : « Des embûches de l'esprit malin, délivrez-nous. Seigneur. » Le diable, c'est la pensée de traverse ; et le diable, selon la vue profonde de l'Eglise, inspire surtout des pensées dissidentes ; l'hérésie est plus redoutée que la faute.

Penser contre l'opinion commune, voilà une formule creuse. Penser c'est s'accorder aux autres ; et celui qui corrige les autres pense en commun avec tous pour le principal. Descartes, si hardi entre les hommes, réserve beaucoup de questions, qui sont justement celles où le commun affirme le plus. Dont la raison est que l'accord avec les hommes est la première condition de la pensée ; la première dans le temps, car c'est en s'accordant qu'on s'instruit ; la première en importance aussi, car l'ensemble de notre pensée est comme un monde humain que porte l'humanité tout entière ; il faut que l'on sente la résistance et la solidité du tout pour oser penser ; et dans le fait il n'y a point d'autre méthode pour penser que de lire les Penseurs ; c'est se remettre en position humaine et s'en- tourer de témoins éminents. Il est beau de voir que Spinoza a d'abord mis en ordre pour lui-même la philo- sophie de Descartes. Et en vérité se mettre d'accord avec l'humain est ce qu'il y a de plus pressé ; car l'accord d'esprit avec la Nature, on peut toujours l'ajourner ; il est facile d'ignorer, attendu qu'il est difficile de connaître et aisé de disputer. L'astronomie, qui est la plus facile des sciences, exige un an ou deux d'observations suivies et reliées avant que les éléments soient seulement compris. Aussi l'opinion que d'autres savent cette science par mé- thode et accord avec la masse des observateurs tient lieu de la science elle-même, et cette opinion suffit à la plupart.

Comprenons d'après cela que toute opinion dissidente fait scandale \ et le scandale est un étonnement triste,

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