42 6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
par règle est un pédant^ quand il serait formé par le meilleur maître à danser. La politesse est donc une grande et rare vertu ; et en acte, comme dit Aristote, c'est-à-dire inventée. Rien n'est charmant deux fois.
Si l'on veut étendre encore cette grande idée de la Poli- tesse, on le peut ; jusqu'au plus haut de l'Esprit, comme les deux sens de ce mot nous y invitent. Et dire qu'il n'y a point de pensée sans esprit, c'est dire, en suivant les mots, qu'il y a toujours de la Politesse dans l'art de penser. Il est bien aisé de comprendre que les mêmes causes, d'humeur, de caractère ou de métier, qui nous jettent dans le gauche, le timide ou le bourru, nous portent de la même manière au précipité, au sec, au mécanique, qui sont des défauts d'esprit. On voit que, si l'instruction sur les manières ne suffit point au savoir-vivre, l'instruction dans le_ sens le plus étendu ne suffit point non plus au jugement. Chacun a pu constater que les idées d'un auteur ne peuvent jamais être séparées de cette forme heureuse qui traduit en même temps l'humeur, le caractère, et enfin toute la nature de l'homme. Les résumés là-dessus nous trompent encore plus qu'on ne croit ; car il y manque certainement quelque chose; mais je crois qu'il y manque tout. Et les idées en résumé ne sont même plus des idées. C'est pourquoi on voit périr, comme par une destinée interne, ces algèbres que sont les langues composées pour exprimer toutes les idées possibles, brièvement et sans aucune ambiguïté ; mais l'ambiguïté est l'âme des langues naturelles, comme les deux mots Education et Esprit le rappelaient ci-dessus. Maintenant il faut voir les causes, et d'abord en gros ; sur quoi la loi des âges nous éclaire déjà.
La nécessité d'être enfant d'abord, et de passer aux âges successifs sans sortir de soi, définit assez l'éducation. Car il ne sert pas de savoir si l'on n'a ignoré d'abord ; et ignorer doit être quelque chose. « Ne sois point droit, disait le Stoïcien, mais redressé. » Ainsi, si notre idée vraie n'est pas le redressement d'une idée fausse, j'entends jeune,
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