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SOIRÉES PERDUES

��Jour de Noël.

Une jeune fille tremblant sous la neige des souvenirs (la seule, hélas ! la seule qui tombe aujourd'hui), ouvre ses yeux bleus et soupire : Ne m'oubliez pas. Sois tranquille, Simone, tu seras immortelle grâce à cette longue journée d'hiver. — Quand un poète s'ennuie, il crée une déesse. — Plus tard, tu seras mariée, tu n'iras plus au bal. Tu auras quitté la tunique de satin, les bas de soie à grisottes et dans le métro, tune voyageras plus en première classe.

J'ai connu Simone chez un ami, un jour d'octobre. EUe avait amené une petite amie Léo qui, assise sur la table, chanta d'une jolie voix fausse le Tango du Rêve. Des cartes à jouer jonchaient le tapis rouge, les jeunes filles voulaient connaître l'avenir. Je leur prédis des amants magnifiques, des automobiles et des chagrins d'amour. Le soir tombait, nous étions tristes mon ami et moi et nos partenaires de jeux voulaient s'amuser. Je me souvins à propos qu'il y avait, sur une étagère, un petit flacon de liqueur de can- tharides. J'eus l'idée de renouveler, réduite à l'échelle de la situation, la plaisanterie que fit le marquis de Sade dans une petite maison de Marseille. Les deux jeunes filles me virent jeter quelques gouttes du poison dans les verres d'alcool, mais feignant d'ignorer mon geste, elles se don- naient des baisers, les yeux fermés. Léo, curieuse, désirait s'endormir du sommeil magnétique. Elle rit pendant que je caressais son front, sa nuque et ses petites mains, soudain

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