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378 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

village de pêcheurs en Nouvelle-Angleterre, entourée d'hom- mes grossiers, et qui rêve, pour elle-même et pour son fiancé, quelque chose d'autre. Mais l'amoureux se trouve ne pas valoir mieux que les autres ; et elle le repousse, payant d'un célibat traversé de névrose et de désirs, le beau rêve de sa jeunesse.

C'est le thème dont O'Neill ne se lasse pas : l'aspiration, condamnée d'avance ; et il ne s'agit pas de l'aspiration après les abimes ou les cimes comme celle d'un Faust, d'un Brand ou d'un Julien, mais après les grâces, les valeurs simples de la vie, la couleur, la musique, la foi, aussi étranges dans notre monde matériel, qu'en Europe les visions exaltées de Paracelse.

O' Neill a une imagination remarquable ; ses conceptions sont celles d'un vrai dramaturge. Mais il n'apporte aucun soin à la forme. Avec le sens du drame tel que le lui suggère la vie américaine, O'Neill ne travaille pas, n'approfondit pas le dia- logue. A les lire, ses pièces sont mauvaises. Cette espèce de cha- leur qui — c'est le secret de la création — se communique aux mots, est absente chez lui. Si Eugène O'Neill ne se rend pas mieux compte de la valeur de ses idées, s'il n'apprend pas à mieux apprécier la puissance qu'elles recèlent, il les gaspillera chaque année en des œuvres imparfaites.

L'acteur nègre, Charles Gilpin, celui qui a créé le rôle de l'Empereur Jones, a conquis le public par un talent vigoureux sans rien de violent. Avec Ben-Ami, qui est une importation de la scène yiddish, il est le plus beau talent que nous ayons en Amérique. Mais je n'ai pas dessein de traiter ici la question du théâtre, qui a pris indéniablement son essor depuis que j'écrivais Noire Amérique. C'est un article tout entier qu'il faudrait con- sacrer à ce sujet.

Les poètes, je les ai oubliés. Du nombre, une voix claire, que j'entends et que j'aurais dû mentionner dans mon livre. Il faut rectifier cette omission.

Voici quelques années, une jeune Australienne née à Dublin, Irlande, venait échouer à New- York et y gagnait sa vie dans le quartier de Test, celui des fabriques et de l'exploitation ouvrière. Maintenant qu'elle en est sortie, elle raconte ses expériences dans deux volumes de poèmes. Le Ghetto et Soleil Levant. Les tableaux que nous présente Miss Lola Ridge sont inscrits, gravés dans soncers^eau. Or, elle a un cerveau où le Ghetto de New-York

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