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NOTES Sé^

fiter le lecteur de l'enseignement que j'en ai reçu quant aux moyens éventuels d'une rénovation théâtrale.

Que l'élément verbe soit le principal dans un ouvrage drama- tique — la cause et le centre du mouvement, l'expression suprême de l'émotion — je ne suis pas près d'en démordre : le premier toujours et partout dans l'ordre de la dignité. Mais je conviens qu'il a peut-être pris trop de place sur notre scène, ou, pour mieux dire, qu'il n'en a pas laissé assez aux autres éléments du drame depuis l'âge classique français. Chez Mo- lière excepté, auteur, directeur et acteur, qui put presque tou- jours tenir d'avance dans sa main, non seulement le thème et raroument dialogaié, non seulement l'être intime de ses comédies, mais aussi tout l'appareil extérieur sous lequel elles se présenteraient au public, partout, depuis le xvii' siècle, ce qu'on appelle une pièce de théâtre est essentiellement un texte, qu'un auteur a écrit à part soi dans son cabinet (et qui déjà se suffit à soi-même) à charge, pour un autre que lui, de prêter à ce texte, par le jeu, l'atmosphère, le mouvement et le costume, une vie extérieure qui sera plus ou moins la sienne propre, sans préalable collaboration. Une collaboration ultérieure entre l'auteur et le metteur en scène, le costumier, le décorateur, le musicien, les interprètes, en tient-elle lieu complètement et pare-t-elle suffisamment aux inconvénients qui résultent de son absence ? Non tout à fait sans doute. C'est un péché de plus à mettre au compte de l'individualisme moderne. Si l'on ne considère que l'œuvre littéraire, telle que, la scène l'ayant animée un moment, elle demeurera dans le livre et telle y durera par ses qualités intrinsèques, à la disposition des met- teurs en scène futurs qui tenteraient de l'animer encore, il n'y a là que demi-mal. Mais il faut bien que l'écrivain en prenne son parti, le texte n'est pas seul ; cette partie solide et éventuel- lement survivante du drame n'est pas le tout du drame ; elle le soutient, elle le motive, elle le suscite, on peut même dire qu'elle l'informe ; mais elle ne l'épuisé pas. Et même il est permis de concevoir l'art dramatique, en s'appuyant sur l'exem- ple des Grecs, de Shakespeare de nos auteurs du Moyen-Age et du Molière des divertissements (souvenez-vous de la Princesse d'Eliâe, que la Petite scène ressuscita cette année avec tant de grâce) comme un art essentiellement passager, qui n'a sa pleine

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