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360 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

propos délibéré ce côté professionnel, pour s'attacher au côté humain et plus spécialement erotique de ses héros. Chacun de ses récits débute à la fin d'un combat, c'est-à-dire au moment même où s'achève celui d'Œxmelin. L'atmosphère dont il les enve- loppe est de luxure et de sang, de superstition, de crime et de vice.

Sur l'Etoile Matuiine, Capitaine Georges Merry, il y a en 1720 un mousse qui est le Ganymède de tout l'équipage. Un jour, d'un sloop pillé, le Dieppois et le capitaine conduisent un jeune et beau compagnon. Une agrafe défaite révèle, après des semai- nes, que c'est une femme : l'équipage la hue « lui reprochant de nous avoir contemplés... dans l'horreur de notre grossièreté, de nos barbes longues, de notre linge sale, de notre puanteur, de notre triste misère. » Le chirurgien Mac Graw, dont la chienne Dalila a mis bas quatre chiots en noie trois sur l'ordre du capi- taine, mais la tristesse qu'il en ressent ne se dissipe qu'après avoir tué un matelot hollandais de la bande à Lowther. « Le sang d'un homme peut-il effacer le sang de quatre petits chiens ? Il est difiicile d'expliquer ces caractères-là. » Un autre jour, une partie de l'équipage se rencontre avec Nicolas Moïse, matelot fantôme du Hollandais volant. Et le Nantais meurt saigné dans son sommeil par une négresse ivre de rhum à laquelle on l'avait marié pour rire. Telles sont quelques-unes des aventures des a fanandels » de Georges Merry. L'on a lu ici-même le récit de leur entrevue avec la peste à V^era Cruz.

Ce sont autant de curieuses estampes, ouvragées avec un patient amour et une recherche jalouse de la pureté du trait. La réussite est fréquente et en quelques lignes, Mac Orlan évoque une vie ou un tableau ; « Un nommé Pélisson qui avait été autrefois écrivain sur une galère de Toulon... Quand j'étais écri- vain sur la réale, disait-il, j'habitais avec le comité dans la cham- bre de mieje... Une fille que j'ai rencontrée à Malte quand j'ai abandonné ma charge, se mit en ménage avec moi. Elle était blonde et juive ; son père avait été brûlé par la Sainte Inquisi- tion. Moi^ n'est-ce pas... »

Ce soin du détail empêchait-il la largeur de la composition ? Peut-être. Le livre reste, malgré toutes les très acceptables cir- constances atténuantes, un peu grêle. Il y manque un peu de ce souffle épique qui animait par exemple le Thomas l'Agnelet de Claude Farrère, si inférieur à Mac Orlan dans l'analyse psycho-

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