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358 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

soin de la conscience de Théophile, lui fait, avec une méchan- ceté onctueuse et inspirée, renoncer à l'amour de Jeanne, moyennant quoi, le héros obtient d'entrer par la porte des amis dans l'oratoire de cette Sainte provinciale mariée à un haut fonctionnaire. Equivoque, cette M^^^ Alban soigne aussi les corps et comme Théophile souffre d'une jambe, elle le conduit « chez tous les médecins de la ville qui, stupéfaits, déshabillent le corps sur les genoux d'une étrangère ». La jalousie de M""^ Alban éloigne Théophile de ses études, de ses parents, de la vie intérieure et de l'amitié d'un curieux abbé à qui, deux fois le jour, sa protectrice écrit sur du papier couleur de son âme. Pourtant elle semble, bien que par d'étranges voies, conduire Théophile au sacerdoce. II n'en est rien ; c'est à elle- même qu'en fin de compte, elle demandera à Théophile de sacrifier sa vocation. Cette exigence dernière libère Théophile. Il abandonne à ses douteuses oraisons cette orchidée départe- mentale dont les baisers et les sophismes ne cachent peut-être que l'ardent et banal désir de ne pas vieillir seule.

Le livre de M. Jouhandeau parcourt toute une gamme, depuis les sains et crus bariolages du début jusqu'aux nuances les plus faisandées. L'auteur s'y meut avec aisance, bien qu'il penche par instants vers une préciosité d'images qui, appliquées à des scènes de vie simple, produisent toujours un douloureux effet. Mais son délicieux livre, d'un mérite certain, doit être

choisi, lu et agréé. paul morand

PRÉSÉANCES, par François Mauriac (Emile-Paul).

La Chair et le Sans de M. Mauriac était une œuvre remar- quable et riche, mais touffue, bousculée et qui manquait d'air. Préséances présente justement à un haut degré les qualités inverses, avec sa distribution égale, paisible, sa lumière juste. Chaque roman de M. Mauriac marque un progrès sur le précé- dent, et celui-ci donnerait entière satisfaction si la fin n'était un peu maladroite : cette substitution de personne a un aspect bien lourd, et quand il aura encore plus de métier, M. Mauriac trouvera facilement des moyens plus élégants de faire jouer les sentiments où il conduis ses personnages. Préséances continué le cycle de romans où il s'est tenu jusqu'ici : les romans de

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