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��CRITIQUE ET HISTOIRE LITTÉRAIRE

LA POÉSIE D'AUJOURD'HUI, un nouvel état d'intel- ligence, par Jean Epstein (Éditions de la Sirène).

Y a-t-il jamais eu entre les poètes et leur public, un plus large abîme que celui qui, aujourd'hui, les sépare ? Les bords en vont s'écartant. Et pourtant l'on pourrait prouver que cette époque-ci est essentiellement poétique. La poésie envahit le roman et le théâtre supérieurs ; les savants et les philosophes se trouvent, au profit des poètes, déboutés de leurs conclusions. Voici que deviennent, à juste titre, des armes essentiellement apollouiennes ce qu'on refusait jadis aux poètes : les calem- bours, les tics, les jeux d'écriture, les exercices mécaniques, le hasard, — et non seulement celui-là né du froid artificiel de Mallarmé — , l'idiotie, les preuves par l'absurde. Mais le public qu'on précipite sans enseignement technique ou avertis- sement historique préalables dans de difiiciles frénésies, se refuse à faire l'effort nécessaire auquel le convoque le poète. Celui-ci rebuté s'enfonce dès lors dans un hermétisme qu'il corrige par des à-coups de réclame hargneuse ou par des credos commi- natoires. C'est ici que devrait intervenir la critique. Jamais les poètes n'en eurent plus besoin. Jamais elle ne leur fut moins fidèle. Exception faite de trois ou quatre noms, parmi lesquels il y a d'ailleurs quelquefois plus de bonne volonté que de com- préhension, la critique nie, rit, se dérobe.

Tout ceci pour expliquer que c'est dans un sentiment de réelle sympathie qu'on ouvrait le livre si nécessaire de M. Eps- tein. Il faut malheureusement ajouter de suite qu'on n'y a guère trouvé ce que l'on y cherchait. Dès le début le lecteur est rebuté par des définitions de manuel telles que celles de la pensée- phrase, et de la pensée-association ; par des truismes, « la répé- tition de l'excitation conduit à la suppression de la sensation

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