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RÉFLEXIONS SUH LA LITTERATURE 335

d'un Vouvray doré, les laissait ou les faisait jouer sous ses yeux, dans le miroir d'un monde plus vrai

Le divin Mahomet enfourchait tour à tour Son millet Daldol et son due Yafour, Car le sa^e lui-même a selon l'occurrence Son jour d'entêtement et son jour d'ignorance.

Et d'autres jours encore, et l'artiste bien davantage. Ces jours- là M. Giraudoux écrit Daïdol l'Entêté ou Yafour l'Ignorant, Manoël le Paresseux ou Simon le Pathétique. Puis ce fut la guerre, le moment où on sortait de soi de manière plus origi- nale et plus difficile qu'au temps de Du Sang, de la Volupté et de la. Mort ou des Nourritures Terrestres. Le bleu horizon teignit ces « sorties » à des couleurs que les littérateurs de 1894 igno- raient. Et Lectures pour une Ombre, Arnica America, Adorable Clio ont cette originalité de nous paraître habillées de bleu et vivan- tes dans le bleu. Une originalité que nous croyons d'abord bien excentrique, et dans laquelle ensuite nous nous reconnaissons nous-mêmes et cinq millions d'hommes. C'est le privilège d'un grand écrivain. « Je suis, dit Suzanne, la seule personne qui voit le soleil en rêve. » M. Giraudoux est le seul homme qui ait vu la guerre en bleu, c'est-à-dire comme elle était. Les Fran- çais, peuple logique, ne veulent pas savoir que la couleur du drap militaire a été changée. Ils voient toujours cette guerre culottée de rou^e. Comme à la lueur d'une étoile lointaine, il faut des années au rayon bleu pour atteindre le monde sub- lunaire. Comme dans une étendue cartésienne M. Giraudoux Vx amené instantanément à nous.

Sous ses prénoms àépithètes, il s'était dit lui-même. Dans ses livres de guerre il était sorti de lui, sorti aussi de la guerre par chacune de ses phrases, qui, en tournant le dos à la guerre, devenaient pour nous le type de la littérature de guerre ; ainsi, de ceux qui disputaient à qui verrait le premier le soleil levant, le gagnant fut celui qui regarda vers le couchant et aperçut les montagnes occidentales touchées par les premiers rayons. Suzanne et le Pacifique est un voyage comme Arnica America, mais un voyage dans le monde intérieur. Voyage qui rappelle la Prose pour des Esseintes beaucoup plus que le Voyage d'Uricu..

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