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Habiter le sommet des sentiments humains
Où l’air est âpre et vif comme sur la montagne.


Elle veut vivre dans l’exaltation « les jours qui mènent au tombeau » :


Le goût de l’héroïque et du passionnel
Qui flotte autour des corps, des sons, des foules vives,
Touche avec la brûlure et la saveur du sel
Mon cœur tumultueux et mon âme excessive...


Cet éréthisme mi-cérébral mi-sensuel a pour complément obligé un panthéisme naturiste dont on a cruellement raillé les fantaisies potagères. Elle se mêlera intimement à la nature, entre sa chair et les éléments s’effectueront de mystérieux échanges de plaisir. Androgyne consciente, en sa frénésie lyrique, elle possède tout, tout la possède.


Je m’appuierai si bien et si fort à la vie
D’une si rude étreinte et d’un tel serrement
Qu’avant que la douceur du jour me soit ravie
Elle s’échauffera de mon enlacement.


Remarquez en passant combien cette strophe, où l’idée du poème est exposée, est faible et, comme disait Maynard, « pleine de bourre » à en être insupportable. Mais sitôt qu’il s’agit de développer, d’imaginer des métaphores, le poète retrouve tous ses moyens :


La mer, abondamment sur le monde étalée,
Gardera
(ici une cheville pénible)
Le goût de ma douleur qui est acre et salée
Et sur les jours mouvants roule comme un bateau.


Mais dans un genre plus touchant et moins imagé, voici qui égale presque le « respirez-en sur moi... » de Marceline :


Je laisserai de moi dans le pli des collines
La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir.


Le même thème revient jusqu’à l’obsession. Si Mme de Noailles s’avise d’adresser des Paroles à la lune ce sera pour s’informer du mal qui peut « troubler d’un désir haletant