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fait un bon exemple de cacophonie syllabique. Fâcheusement disposé, le lecteur tourne la page et tombe sur les stances que voici :


Nature au coeur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n’aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses,
L’eau luisante et la terre où la vie a germé.


C’est une autre musique et qui ne bronche pas. Si les strophes se répètent encore un peu, c’est à la façon des miroirs opposés qui multiplient le moindre reflet à l’infini :


La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains.
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.

J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne
Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité...


Ici, pour peu qu’il ait à quelque degré le double sentiment de la vraie poésie et des cadences françaises, le lecteur bat des mains. Quels beaux sons, quel chant large et simple, et quel souffle de passion !

Heureuse de vivre et de voir clair, comme on dit, heureuse d’être jeune et belle, mais d’un bonheur romantique, et qui, en dépit des soupirs extasiés et des cris de jouissance, est au fond pareil à celui de la Diane de Vigny, « taciturne et toujours menacée », la poétesse s’écrie :


Ah ! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour,
Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l’amour...


Mais ce tourment de la mort, elle en saura bientôt faire, selon les bonnes méthodes romantiques, le ragoût de la volupté. Elle développe en passant les vieux thèmes anacréontiques, peut-être pour légitimer son culte pour Ronsard, mais ses vrais maîtres sont les grands révoltés de 1820. Et si Mme de Noailles ne s’écrie pas à son tour : « Levez-vous, orages désirés », elle aspire à