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288 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

l'œil » dans le « bas-réalisme » qu'on voudrait ainsi « pro- poser comme le dernier effort de l'art », je le comprends fort bien^ mais est-il bien sûr que, si, au lieu d'interroger, comme ils le font, dévotieusement Ingres et Corot, les peintres cubistes se mettaient à l'école de Delacroix, ils ne courraient pas la plus stérile aventure ?

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En plus de la leçon morale qui se dégage de son attitude, les moyens qu'emploie Ingres nous apparaissent les plus propres à réintégrer la peinture dans ses limites normales- Comment saisir la forme, en évaluer les propriétés plas- tiques, si ce n'est en l'emprisonnant en des linéaments géo- métriques ? Débarrassant la peinture de ses ornements fragiles, de ses hors-d'œuvre périssables, Ingres reporte notre esprit angoissé vers les chefs-d'œuvre savants et naïfs de l'Egypte et de la Grèce. Certaines de ses toiles, comme la grande Odalisque, le nu de dos de la collection Bonnat, Jupiter et Thétis, évoquent les procédés les plus fameux de l'art antique. Les danseuses des bas-reliefs égyptiens, grâce à quelques lignes profondément méditées, et totalement inventées, résum.ent sans sécheresse ni pédan- terie toutes les souplesses et tous les mystères du corps féminin. Les contours les plus divers s'y mélangent avec un tact indépassable et nous renseignent sur l'essentiel de la structure humaine. Le profil d'un visage donne de celui-ci la définition la plus typique : la figure s'appliquera donc de côté contre le mur. Mais un œil dessiné tel que le propose le visage ainsi placé est insuffisamment expressif. L'artiste égyptien va avoir recours à un subterfuge : ima- giner un déplacement de sa vision et intégrer l'œil réel, l'œil absolu, l'œil de face dans le profil, qui en demeure tout illuminé. Le même procédé présidera à l'expression du corps. La ligne du dos, la chute des reins sont des signes admirables : les voici fixés. Mais est-ce une

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