Page:NRF 17.djvu/289

Cette page n’a pas encore été corrigée

INGRES VU PAR UN PEINTRE 283

tableau, l'illusion d'un parallélisme avec les deux lignes du cou). Avec quels soins délicats le peintre met en lumière cette partie du visage, et établit un compromis entre la ligne réelle et la ligne constructive ! Elles s'interpénétrent si bien que le spectateur senrimental et le technicien y trouvent tous deux leur compte. L'intelligence de l'agence- ment des lignes est toujours prodigieusement émouvante dans Ingres, mais que dire des égards infinis avec lesquels il les manie et les installe. Quels mots trouver, pour célébrer cet art de délicat camouflage, cette décence dans l'aveu de ses calculs ? Sauf pour quelques ennemis de Ingres, singu- lièrement perspicaces — comme ce charmant M. Dimier qui me disait finement : « Voyez le bras du duc d'Orléans : c'est déjà le bras de fauteuil cubiste ! » — les créatures de Ingres, ses créations devrais-je dire, s'offrent sous des dehors irréprochables. Certains « modernes» auxquels il faut parler gros pour être compris, vont jusqu'à les trauver « pompier». On qualifie plus généralement son dessin d' « impeccable ». M. Roger Allard parle de « contour exact », confondant, me semble-t-il, ici, précision et exactitude. Le même critique déplore que « le lyrisme et le drame aient déserté la peinture ». Mais je le demande à tous ceux qui aiment la peinture pour elle-même : Y a-t-il quelque part lyrisme comparable à celui qui naît de ce compromis subtil, chez Ingres, entre la sincérité et le subterfuge ? Recréant, par un effort d'imagination, les formes natu- relles que le premier cubiste-impressionniste eut devant les yeux, je mesure la distance parcourue par cette agile sensibilité. Mon intelligence se réjouit de ses procédés artificieux ; mon cœur nage dans une joie sans bornes en reconnaissant, à travers ces merveilleuses architectures, le visage de la Nature immortelle.

��*

  • *

��C'est parce que partagée en deux morceaux opposés, et décelant à l'analyse à la fois une agitation et un apaise-

�� �