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INGRES VU PAR UN PEINTRE 277

mieux rendre apparent à autrui le trouble qu'elle lui inspire. Il déformera ; // entrera en contradiction avec ce que son esprit sait pour exprimer ce que son cœur vient d'ap- prendre.

Voici donc le stade premier de son effort : sous; le seul contrôle de sa sensibilité, il note fiévreusement ^ses impres- sions, tout comme, plus tard, feront Monet et ses amis. Mais, à l’encontre de ceux-ci, ce sont des impressions plas- tiques, et non uniquement colorées, qu'il enclôt en des lignes riches de virtualités. Cette notation rapide, presque rageuse à force de concentration, cette divination spontanée des vertus les plus secrètes, les plus particulières des objets, sera dorénavant ce qui tiendra lieu ^'inspiration aux peintres qui lui succéderont. Ingres m'apparaît ainsi, littéralement, comme le premier impressionniste plastique, le premier qui ait tout demandé, et d'abord, à l'analyse — j'entends à l'ana- lyse de ses sensations. Il est jusqu'ici, avec Cézanne, le grand peintre de l'introspection. Je viens de citer, à titre d'exemple, l'Odalisque, œuvre de jeunesse ; pour montrer que son souci de « construction » demeure immanent, d'un bout à l'autre de sa carrière, à son analyse sensible, je dois citer également le portrait de M"^ Ingres (jiêe Rameï), peint sur ses vieux jours, portrait où la déformation impression- niste de l'épaule et de la main demeure apparente aux yeux les plus paresseux. Ingres est tellement dépendant de l'extérieur que jamais un de ses tableaux ne jaillit tout conçu de son cerveau, comme il arrive souvent aux « pein- tres d'histoire ». Mais au contraire sa composition s'altérera jusqu'à en être méconnaissable, au fur et à mesure de la naissance de ses dessins préparatoires, qui suscitent en sa conscience, par les éléments nouveaux qu'ils lui proposent, de nouvelles combinaisons. On compte 250 dessins et une dizaine de compositions différentes pour Le Martyre de Saint Symphorien et plus de 400 études pour \'Age d'Or ! M. Mabilleau, auteur d'un ouvrage sur les dessins d'Ingres au Musée de Montauban, constatant ces tâtonnements,

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