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NOTES 241

allure de marche, et parfois avec bondissement, rien de languis- sant, rien qui ne soit nerveux, vivant, senti, point de remplis- sage ; ceci mérite mention dans un pays où la bonne prose est aussi rare qu'en Allemagne. Dès avant sa douzième année, on trouve, dans ses descriptions de nature et de paysages surtout, des passages d'une réelle beauté plastique et poétique et de la plus alerte invention. Aussi n'est-il pas le moins du monde encom- bré, alourdi ou entravé par l'énorme bagage d'érudition qu'il porte tout entier pourtant, et dont il tire à chaque instant les matériaux de son jugement et les occasions de ce discernement presqu'infaillible par où se révèle son précoce génie. Son esprit critique est éveillé dès l'âge de neuf ans ; dans une lettre où il exprime à sa mère toute l'enfantine admiration où le plonge un livre que celle-ci vient de publier (précisément l'histoire de sa bisaïeule, fille du roi de Westphalie), il ne lui épargne pourtant pas cette réflexion pleine d'indépendance et de sagacité : « Une chose m'étonne, écrit-il, c'est que tu aies précisément choisi le plus aff"reux des portraits de Jérôme... ; s'il avait cette tête là, il ne peut avoir été le Jérôme que tu dis, et l'un de vous deux, de toi ou du peintre, a dû se tromper. »

Déjà les problèmes religieux le préoccupent : il s'analyse et analyse les autres. « Quand je me domine, écrit-il à 12 ans, c'est toujours signe de chagrin profond, tandis que pour des riens que je ne trouve pas la peine de comprimer, je me laisse facile- ment aller, et même il m'arrive de jouer un peu la comédie. » A un petit camarade : « Tu as beau te retourner comme tu veux, ton élément c'est l'affection, et c'est là, je crois, ce qui te manque là-bas. Je vais t'en donner un exemple. Lorsque tu étais, l'autre soir, de si méchante humeur, A. t'a dit : tuas le droit d'être de mauvaise humeur, mais pas ici. A sa place j'aurais fait ceci, j'au- rais prononcé ton nom, et t'aurais regardé longuement, te rappe- lant ainsi à la conscience du meilleur de toi. » Il trouve, comme solution à un thème de composition, que Wallenstein est sym- pathique (unserem Herx,en. nahe) non pas malgré, mais à cause de sa trahison, par où il est plus humain que ne le sont géné- ralement les personnages de Schiller.

« Nietzsche, » dit-il, « si paradoxal que cela paraisse, se tient de- bout sur les épaules de Luther. » A un autre petit garçon qui va entrer dans cette école dont lui-même n'avait pu s'accommoder, il

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