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NOTES 229

esprit. Non qu'il y ait incompatibilité entre l'intelligence, dans le sens général du mot, et le don pictural : les grands peintres de la Renaissance sont là pour nous prouver le contraire, eux qui sont autant des humanistes que des techniciens. Mais s'il est vrai que l'œuvre ne se hausse à la véritable grandeur, au sublime que si elle est une spéculation de l'esprit, il n'est pas moins vrai que ces spéculations intellectuelles doivent être, sinon submergées, du moins fertilisées par un certain débor- dement de la sensualité. L'idée ne peut s'incarner que si son interprète est possédé du goût de la chair. Renoir, comme Rubens peintre charnel, atteint à la suprême beauté lorsque ses calculs techniques apparaissent sur la toile les plus évidents. Inversement Ingres n'atteint au sublime que lorsque sa volonté initiale défaille, lorsque ses intentions purement plas- tiques cèdent un peu de terrain à ses sensations purement phy- siques. Le véritable sublime n'est pas la prétentieuse, froide et ridicule dignité académique, mais le résultat de la lutte visible que se livrent au sein même de l'œuvre, la matière et l'esprit. La véritable action, le véritable drame ne résident pas dans l'anecdote « historique » ou « de mœurs », mais dans ce conflit dont le peintre est à la fois la victime et le héros. C'est pour cette raison qu'Ingres... Mais n'anticipons pas.

Un des chapitres les plus émouvants de ce livre est celui qui nous montre Renoir préoccupé de la conserv^ation de la peinture. C'est en effet une des découvertes techniquesles plus instructives de Renoir, d'avoir reconnu que la peinture ne se fait pas seule- ment avec les éléments couleur et dessin, mais aussi avec l'élément temps. Use rappelle avoir vu les Diaz et les Delacroix éblouissants. Il assiste à leur rapide noircissement, ainsi qu'à l'enrichissement par la patine (qu'il ne faut pas confondre avec la roussissure des vernis) des Ingres, auxquels on reprocha, ainsi qu'à ses propres peintures postérieures à 1880, d'être mai- gres et aigres. Avec un courage admirable, mais pour sa plus grande gloire future et pour notre édification, Renoir sut renoncer aux elfets de la cuisine bariolée des romantiques. A l'instar des grands classiques, il remplaça sa palette compliquée du début par un choix réduit de couleurs primaires. C'est ainsi qu'il abandonna le violet impressionniste et les laques instables pour « le noir et les terres » qui vieillissent bien et qu'un

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