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224 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et convenons que le problème qu'il aborde est de ceux qui intéressent personnellement tout écrivain. Que presque toutes les œuvres capables de survivre soient faites du plus intime, du plus saignant de nous-mêmes ; que leur force convaincante soit presque toujours en raison même de ce qu'elles contiennent de confidences directes ou masquées ; que les plus belles aient souvent été celles où l'indiscrétion fut le plus hardie ou le plus cruelle : ces considérations ont préoccupé tout auteur scrupu- leux, capable de méditer les grandeurs et les servitudes de son métier. Mais l'homme de lettres que M, Gabriel Marcel montre en train d'exploiter son cœur et surtout celui des autres est si goujat, il met une hâte si grossière à a placer », toutes chaudes, dans ses pièces les paroles que prononce sa femme, il se conduit envers son fils naturel avec un manque de cœur si révoltant, il est si vaniteux, si sot, que son cas cesse de poser le problème d'une manière pathétique. Les intentions satiriques de M. Ga- briel Marcel sont évidentes, aussi le reproche qu'on voudrait lui adresser n'est-il pas de calomnier les gens de lettres, mais bien de passer à côté de la question faute de l'aborder avec assez de délicatesse.

C'est au théâtre de Porto-Riche que cette pièce s'apparente le plus directement. Même atmosphère, même jeu de sentiments, même sensibilité dans le dessin des figures de femmes ou d'adolescents, même don d'émotion dans leurs paroles, même fond de bassesse dans les personnages virils, même air un peu débraillé et veule dans la forme. Il y a pourtant cette diiïérence importante que Porto-Riche n'a jamais traité qu'un seul sujet, celui qu'il connaissait admirablement par le cœur, tandis que l'investigation de M. Gabriel Marcel semble procéder de l'intel- ligence : cela explique ce que ses pièces ont de séduisant pour l'esprit mais aussi de superficiel.

Aucun effort pour donner à son action une ossature d'évé- nements. Il laisse son sujet à l'état fluide, c'est-à-dire en conver- sations. Il le débite, si l'on ose ainsi parler, au litre et non pas en morceaux. Mais une fois admis ce procédé un peu trop commode, il faut convenir que certaines scènes sont conduites avec vigueur, avec nuances et qu'elles sont émouvantes. Tout le rôle du fils naturel, rudoyé par son père, est excellent. Mais la pièce vaut surtout par la lucidité de certaines remarques psycho-

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