208 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
préoccupés d'élucider le sens ésotérique des Ecritures, per- suadé d'ailleurs à cet égard d'avoir la clef capable d'ouvrir dans une certaine mesure l'absolu des paroles divines. « Un dépôt lui avait été confié, dit sa veuve dans une préface... Combien de fois m'a-t-il dit : Je dois tout à cette intervention dans ma vie. Ses yeux avaient été dessillés par un événement inouï, et le sens de l'Ecriture lui avait été ouvert. » A cet égard le frag- ment sur y Aveiigle-né qui termine Dans les TénébreSy nous fait regretter q^ue Bloy n'ait pas eu le temps d'écrire la série d'études bibliques dont ce morceau devait faire partie.
On s'imagine facilement, avec ces convictions et le tempé- rament que nous lui connaissons, quel coup de fouet put être pour lui, malgré son âge avancé, la guerre. Ses derniers écrits, qui sont peut-être d'une matière moins solide que ceux de sa meilleure période, mais parfois comme plus épurée, donnent l'impression d'une sorte de halètement formidable, d'un souffle de visionnaire épuisé d'émotion, sous le coup d'une angoisse trop terrible, en même temps qu'ils sont adoucis par la grande paix d'une vie intérieure puissante.
Quelle est l'attitude de Léon Bloy devant la guerre en général et devant la dernière guerre en particulier ? Sur cette seconde question il semble avoir trois principaux points de vue dont certains sont sans doute un peu sommaires. Tantôt il voit en Guillaume II le grand et presque l'unique responsable et il ne se prive pas de l'invectiver avec la véhémence qu'on imagine. Tantôt il considère les Allemands comme « un grouillement de soixante millions de maudits agités par les démons » pour lesquels il estime être un devoir sacré d'avoir « une haine sans limite..., sans pardon possible, sans autre assouvissement espérable que l'extermination... » Mais la guerre est aussi à ses yeux, nous l'avons vu, le commencement de l'abomination, de la désolation du temps de l'Antéchrist, l'aurore des jours ter- ribles pour la courte durée desquels l'Evangile ordonne de prier. Elle ne peut manquer d'apporter en définitive la victoire à ceux qui malgré leur indignité combattent pour le Bien. A défaut de la foi, si morte dans le monde moderne, la douleur si violem- ment haïe de celui-ci, la douleur de qui il dit ce mot lumineux que plus une âme est noble et plus elle la recherche avec em- portement, sera « le spécifique suprême de l'Esprit-Saint pour
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