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NOTES 201

J'ai dit tout à l'heure que Maurras était un païen. C'est le beau, et c'est le triste de son cas. Il n'est pas un humaniste, capable, à force d'intelligence, de pénétrer le sens du paganisme, et d'en savourer toute la beauté ; il est un païen essentiel, je veux dire d'essence païenne, et jailli, tout formé de l'essence même du paganisme, décantée et purgée de tout ce que com- porte de passager, de formel, de laid et de vulgaire, d'acci- dentel en un mot, un paganisme socialement vivant. C'est sans doute cette survivance, purement intellectuelle, du paganisme dans un esprit, qui donne au Chemin de Paradis une allure peut-être unique dans notre littérature. Réduite aux idées et aux formes, cette âme, cependant vibrante, toute agitée d'un senti- ment qui se trouve dépourvu de véritable objet, jette les plus beaux cris de passion, s'attache à exprimer, dans une langue somptueuse, chargée d'images et noblement rythmée, ses agita- tions : mais cette passion demeure toute intellectuelle, ces agi- tations toutes spéculatives. La forme, célébrée, est belle, elle n'est point aimable ; et nous ne sommes pas entraînés par l'élan qui emporte cet esprit, ni émus par la fougue de ses désirs. Il nous fait admirer les cimes où il s'élève, encore qu'elles se per- dent dans les nuages, et qu'il faille un regard aigu, pour les découvrir, pures et brillantes, par-dessus les voiles qui en dissi- mulent l'aspect ; mais nos cris d'espérance, de douleur, ou ceux qu'arrache aux coeurs surpris une éblouissante vision, ne se mêlent pas aux siens. Notre cœur reste froid oii notre esprit s'émerveille. louis martin-chauffier

��TRENTE ANS DE VIE FRANÇAISE. II : LA VIE DE MAURICE BARRÉS, par Albert Thibaiidct (Nouvelle Revue Française).

Je n'ai pas à présenter M. Thibaudet aux lecteurs de cette revue. Je ne leur apprendrais rien sur l'étendue et le sérieux de son information, sur la richesse de ses points de vue, sur l'excès même de ses qualités positives. Je les connais et je les apprécie comme eux. Je lui souhaiterais plutôt quelques qua- lités privatives. Il nous verse un vin généreux et jeune qui aurait quelquefois besoin d'être décanté. Rendant compte ail- leurs du premier volume de ses Trente ans de vie française :

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