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198 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qui n'en a aucun, mais qui s'étale et qui s'étire au long des pages d'un écrivain notoire, qu'il est de bon ton de louer.

Aujourd'hui que le nom de Charles Maurras est, au bas d'un livre, une signature qui rayonne, et qui promet, à qui veut lire, une ample moisson de hautes idées et de beau style, l'intérêt que l'on trouve au Chemin de Paradis n'est plus méritoire, mais il est puissant. Quelle que soit l'opinion que professe un bon esprit, et fût-elle tout à l'opposé de celle de l'auteur qu'il lit, s'il reconnait dans cet auteur un maitre de la pensée, il s'arrête, et il admire. Il y a dans le vrai talent une hauteur de \aies, une manière de connaître et d'exprimer les choses, qui atteint la vérité profonde, celle qui éclate et qui demeure, quel que soit l'usage qu'on en fait, et où chacun trouve son bien spirituel. Peu importe que l'on tienne les applications qu'il en tire pour véridiques ou pour fausses ; le fond est commun, oià tous les esprits se retrouvent. L'intelligence peut mal utiliser la vérité, elle ne peut pas concevoir contre la vérité : sans quoi, où serait sa puissance, où, sa grandeur, où, sa beauté, où, sa substance même, enfin ?

Le beau poème qu'Anatole France déroula jadis au fronton de ce noble édifice, il en tracerait aujourd'hui encore les phrases louangeuses ; et Maurras n'a pas renié cette paternité d'élection. Ces deux esprits, portés aux deux pôles de l'opinion, demeurent parents, et se reconnaissent, de même qu'un ingénieur et un artiste, fils d'un même père, et héritant de lui des qualités com- munes, suivront dans leur carrière une courbe analogue, mani- festeront, dans des circonstances différentes, un même caractère, et, tout en méprisant cordialement, qui, les machines, qui la peinture, estimeront chacun dans l'autre, une âme semblable à la sienne, dont les facettes seulement réfléchissent d'autres tableaux.

Dans l'avant-propos que Charles Maurras a composé pour cette nouvelle édition — et qui est la meilleure, la plus profonde, la plus sincère et la moins tendre (et souvent trop cruelle) des critiques qui se puissent faire de ce livre — il s'efforce à décou- vrir, dans le Chemin de Paradis, le premier germe des préoccu- pations sociales, vers lesquelles s'orienta, par la suite, presque entièrement son activité. Il me semble voir, dans ce souci, quelque recherche artificielle. Maurras écrit, en parlant de soi :

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