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194 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Amoureuse, y trouve matière à ces réflexions : « Le talent de M. de Porto-Riche n'est pas en question, mais, quant au fond, voir une élégante chambrée de dames bien pensantes et de jeunes filles bien élevées avaler sans sourciller cette affreuse mixture de chiennerie et de névrose, c'est un spectacle ! On peut mettre en fait, je crois, qu'aucun autre peuple que le peuple français n'eût eu le bon sens foncier, l'équilibre et l'ironie nécessaires pour résister à une telle littérature. Et on peut admettre égale- ment que l'accoutumance à des doses de plus en plus élevées de mysticisme passionnel nous a immunisés dans une large mesure. ^ Outre qu'Amoureuse n'est pas une pièce si immorale, et qu'elle peut donner aux femmes d'utiles leçons de mesure, il me semble que cette immunité dont nous loue M. Gillouin tient peut-être moins à la présence d'un poison atténué qu'à la nature même de l'art, à la faculté que nous avons de nous faire en lui une autre vie, qui a sa santé propre, tout à fait distincte (voyez Flaubert) de notre santé morale.

Il y a donc dans les livres de M. Seillière ample matière à discussion, et surtout à profit. Je n'ai pas touché à ses vues de philosophie historique, et je me suis attaché à des points qui relevaient de la critique littéraire. Mais il esta souhaiter que le terrain oii il travaille soit plus fréquenté (le livre de M. Gillouin y aidera) et retourné aussi par d'autres chercheurs. Après Comte, Renouvier, Sorel, M. Seillière ajoute un nom nouveau à celui des polytechniciens qui ont été attirés vers les spécula- tions philosophiques, et ce serait le sujet d'une étude intéres- sante que de rechercher, sur les quatre philosophies de l'his- toire nées de cette équipe, les traits de l'éducation scientifique, qui fait des logiciens plus que des artistes.

ALBERT THIBAUDET

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