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184 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

une ambulance — déclaration d'accident — mais d'abord la responsabilité. C'est le moment de réaliser sa pre- mière impulsion, il voit avec soulagement qu'il n'est pas trop tard : trois quarts d'heure. On n'aura pas eu le temps de maquiller l'endroit de la chute — d'ailleurs l'en- trepreneur est encore en route avec le médecin — et les hommes encore énervés diront peut-être la vérité^ ils n'au- ront certainement pas eu le temps de se concerter pour créer la légende définitive.

« Allez vite au chantier, chuchote-t-il à Pierre, tâchez de voir comment c'est arrivé. Interrogez les ouvriers sépa- rément avant qu'ils se soient bourré le crâne. Tout à l'heure déjà on ne pourra plus rien savoir. Vous savez com- ment cela va. »

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��L'ambulance stoppe devant l'infirmerie parmi la foule des ouvriers que la sirène de midi vient de libérer sans atti- rer plus qu'un regard curieux, en passant. Le fait divers banal n'arrive plus à percer leur indifférence et ils ne sen- tent plus qu'ils en furent les acteurs passionnés. Etonné, Ridai voit descendre le directeur de l'hôpital lui-même, le docteur Durel, pimpant, ganté, bien nippé et, reconnais- sant pour tant de zèle, le fait entrer immédiatement dans la pièce claire où le blessé roulé dans les pansements blancs paraît presque à l'aise bien qu'il soit de nouveau inconscient. Sa grosse femme penchée sur lui essaye calmement de le faire parler. Interrogé, le vieux confrère de village affirme : « Transportable ? Oh oui ! Il tiendra encore quelques heures. » Sans plus s'inquiéter Durel laisse là son fils, gosse rose et blond, à examiner avec jubilation l'homme livide et en- traîne Ridai dans la pièce voisine avec un air de compli- cité. Souriant, celui-ci laisse minauder le gros homme qui s'enquiert de sa santé et de l'état de ses affaires avec une abondance qui cache mal une question difficile à faire sortir. Pas drôle la vie dans un coin perdu... et aucune distrac-

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