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RESPONSABILITÉS l8l

d'assurance refusant de dégager la responsabilité de l'usine — un curé — les chantiers désertés dont toute la vie s'est concentrée en un cercle muet autour de lui — un des vieux docteurs du village, en vitesse sur son tricycle — un sché- ma du livret de Croix Rouge montrant comment un vieux monsieur immobilise une jambe fracturée avec deux para- pluies et des mouchoirs de poche — le téléphone, avec le concierge de l'hôpital là-bas au bout du fil

Comme un besoin douloureux : ne rien oublier.

Regard au poignet : douze minutes depuis la chute ; bien occupées. Il n'a pas de retard.

Les images se classent méticuleusement, fiches dans un casier : d'abord le médecin ; aucun n'a le téléphone. Un homme court sur la route — non un cycliste — le petit commissionnaire s'arrête aux portes pour raconter la nou- velle aux commères — pas le gosse — l'entrepreneur (il est peut-être responsable de l'accident et si le bonhomme meurt il aura la veuve à entretenir) : tout gros qu'il est, ira plus vite.

Soulevant la tête du blessé qui va vomir à nouveau. Ridai appelle : « Michaud ! » La phrase s'inscrit : « Courez, courez chez le médecin, et faites vite, nom de Dieu. Mon bonhomme va claquer, il n'en a plus pour dix minutes. » Mais il dit simplement : « Prenez votre vélo et ramenez- moi le docteur Verdois. S'il est absent vous irez chez Bâton, » On voit s'enfuir le gros homme tous les nerfs détendus.

Ridai passe en revue toutes les images pour choisir celle qu'il faut développer maintenant comme s'il avait une con- signe très détaillée à exécuter rigoureusement dans l'ordre et qu'un détail quelconque oublié compromettrait irrémé- diablement.

Tout doit être fait.

Le curé ? — « Oui, famille très catholique », lui répond le vieux Pierre, contremaître, avec un léger haussement d'épaules. Mais Ridai étouffe un petit remords en espérant

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