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RESPONSABILITÉS 179

tous comme de vieilles femmes ! » Le son de sa voix fait

monter en lui la colère et se sentant perdre l'empire sur lui-même, il réfrène ses gestes, met les mains en poches et reprend posément, comme une explication à un enfant borné et attentif: «Allez-vous en. Retournez au travail. Moins il y aura de monde, mieux ce sera pour le blessé... » Dociles, les hommes s'écartent, soudain silencieux, gau- ches et surpris. Un peu surpris lui-même. Ridai constate qu'il les tient et que leurs volontés passives attendent les impulsions de la sienne. Le sentiment de réunir en lui l'âme éparse de la foule l'inonde, débrouille ses pensées confuses, et lui dicte sans effort les actes à faire. D'un mot il envoie Re^maud caler le treuil et lui crie la consigne : « Ne touchez à rien, laissez le chantier exactement en état. »

Ansar a pris charge du blessé et, volubile, persuade qu'il est mort. Les porteurs, ébranlés, s'apprêtent à le déposer à terre quand Ridai s'approche et, malgré sa conviction sou- dain faite, affirme : « Il n'est qu'étourdi. Vous deux, sous les épaules. Boss^^ soutenez la tête. Perrière, Caruel, prenez les jambes. » — Remarquant un pied retourné et pointant vers le sol : « Vous, là ; donnez un coup de main pour soutenir cette jambe ; elle est cassée. Là — doucement — portez-le sous le hangar. » Les hommes emportent leur far- deau, soudain rassurés. « Dites donc, Ansar, prenez nn homme avec vous. Allez chercher six bottes de paille dans l'appentis à côté de l'écurie. Au trot, allez ! » Un geste court précise la direction à prendre.

Les hommes ont abandonné tonte initiative. Ils sont là impatients d'agir de tous leurs nerfs secoués, mais passifs, et attentifs à l'ordre qu'ils espèrent. Leur volonté commune n'est plus en eux : ils Font toute, comme soulagés d'un lourd fardeau, remise à leur chef. La soumission et la con- fiance des spectateurs donnent à Ridai une assurance qu'il n'aurait pas, seul' avec le blessé.

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