Page:NRF 17.djvu/163

Cette page n’a pas encore été corrigée

ON NE SAURAIT TOUT DIRE I57

sieurs langues mortes ou vives, parut chercher dans sa mémoire une répHque décisive et il articula correctement le mot -.c merde » sur quoi la controverse prit fin.

Le Wildspitze, d'un air préoccupé, nous regardait grouiller sur la glace comme un géant regarderait des pucerons sur ses orteils. Désireux de rétablir la concorde, l'abbé Kampitsch entonna, d'une voix bien timbrée :

Buvez-moi donc encore une toute petite goutte !

Après chaque couplet, Léné et nous reprenions tous en chœur : « ô Suzanna ! » cependant que l'écho des abîmes transformait notre chant joyeux en un gémissement lugubre.

Enfin nous descendîmes dans la vallée de Vent, qui est un des rameaux de l'Œtztal et bientôt apparurent des villages pavoises pour la solennité de l'Assomption. De larges étendards aux couleurs de la vierge ornaient la face des maisons. Le peuple des hauteurs ruisselait vers les lieux bas où se donnaient les réjouissances.

Venaient d'abord, par petits groupes, les chasseurs en costumes d'apparat : bas blancs, souliers à boucles, culotte à pont, chemise boufi"ante, veste courte et chamarrée, cravate écarlate. Ils portaient l'arme à la bretelle et leurs feutres, un peu semblables à ceux des mousquetaires, s'ornaient d'une touffe de plumes neigeuses.

Les guides, pareillement vêtus, s'enorgueillissaient d'un long piolet poli par l'usage, d'un havresac, d'un paquet de cordes et de crampons. Ils avaient les jambes noueuses, bossuées, le ventre étroit serré dans une ceinture à plaques de cuivre.

Une multitude de jeunes filles couronnées de fleurs comme notre Léné et comme elle parées, encore que moins florissantes et moins dodues, descendaient les pentes en se donnant le bras et en chantant. Des marmots en habits de fête couraient d'un groupe à l'autre ; les vieilles femmes, coiffées de feutres velus, souriaient de

�� �