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ON NE SAURAIT TOUT DIRE I55

Si l'auberge est vaste, l'église, en revanche, est petite, si petite même qu'elle ne me parut guère susceptible de contenir son curé. Celui-ci, messe dite et ventre garni, jouait dès le matin, sur le parvis. Il jouait une partie de quilles. On eût dit qu'il s'évertuait contre les piliers d'un temple, car les quilles étaient à la mesure du joueur. Il brandissait une boule grosse comme une dame-jeanne. La gracieuse Léné lui tenait lieu de partenaire. Elle maniait les boules avec aisance et vigueur. A chaque coup, sa gorge charmante bondissait, roulait, déferlait dans son joyeux corsage.

Ce spectacle qui n'était dépourvu d'attraits pour per- sonne, fut, pour Raphaël, presque fatal. Il parlait de racheter le fonds de commerce et de s'établir aubergiste à Kurzras. Voyez-moi ça !

Un petit déjeuner de jambon, d'œufs au miroir et de pains au cumin nous rassembla. Le Biel, mal reposé, sem- blait enclin à nous faire chèrement psLyer les mécomptes de son estomac. Gaspard calculait le poids exact de l'abbé Kam- pitsch (tel était le nom du curé de Kurzras). Neek jouait . du piano sur ses propres dents, qu'il avait fort longues. Thierry ne disait rien, car il était sujet à. la colique matinale.

La belle Léné nous faussa compagnie pour s'aller parer. Nous étions le quinzième jour du mois d'août et c'était fête. Friedmann Taschachhaus, le patron de l'auberge, 'nous donna le bonjour. Certain vin blanc léger obtint un assentiment unanime, car le repas du matin faisait en général la trêve des partis.

Joseph Tiefenau, dûment soldé, nous avait quittés dès l'aurore pour retourner à ses amours. Honneur à la mémoire de ce montagnard erotique !

Nous discutâmes de notre itinéraire. Taschachhaus et Kampitsch nous prodiguaient les conseils. Bref, il fut décidé que l'abbé nous guiderait sur le Hochjoch, escorté de la gracieuse Léné qui devait porter un panier de beurre à ses cousins de l'Œtztal.

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