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152 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

toutes les portes, une porte percée à même le noir.

Je me laissai choir sur un banc et, cessant de marcher, me réveillai tout aussitôt. Je remarquai bien que le banc était particulièrement haut sur pattes et large du siège, mais je n'y prêtai pas une suffisante atj:ention, tout d'abord.

Tiefenau avait encore une fois disparu. Nous étions rassemblés tous les six autour d'une massive, d'une pesante table de bois. Une lampe de cuivre versait sur nos têtes une lumière comparable à celle qui éclaire nos rêves. J'eus bien l'impression que la lampe ainsi perchée était anorma- lement ventrue, mais je n'accordai que peu de moi-même à cette observation.

A dire vrai, toute mon attention était requise par certain objet que j'apercevais au fond de la salle. C'était, sous une autre lampe non moins volumineuse que la nôtre, une mystérieuse masse noire, énorme, mouvante et d'où sor- taient des tourbillons de fumée. Soudain la masse vira sur elle-même et je dus me rendre à l'évidence ; cette montagne de substance noire était un curé, mais un curé comme vous n'en avez jamais vu et comme vous n'en verrez jamais. Le curé dit poliment : « Gruss Gott », ce qui signifie bien des choses dans l'idiome de l'endroit ; puis il se leva. Il n'avait pas moins de deux mètres trente de haut. C'était un curé fort grand. Il fumait une pipe de porcelaine au fourneau gros comme une soupière. Le Biel dit à mi- voix :

— Vingt dieux ! Le beau curé !

Gaspard qui s'intéresse aux articles pour fumeurs, pro- nonça :

— Vingt dieux ! La belle pipe !

Raphaël semblait exténué. Il ne voyait rien, il n'enten- dait rien, H murmura faiblement :

— De l'eau !

— Traître, rugit Biel, qui régentait le parti de la bière.

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