Page:NRF 17.djvu/155

Cette page n’a pas encore été corrigée

OX NE SAURAIT TOUT DIRE I49

Raphaël, cœur tendre et pratique, Auvergnat élégiaque ! ô compagnon de mon jeune âge, mon contrepoids, mon balancier ! Ame bourrée d'apophthegmes et de beaux vers. Avec tes courtes jambes velues, tes reins pesants, ta stature massive, tu ne semblais pas fait pour trébucher. Mais tu n'avais que trop de raison ; en faut-il tant pour dérai- sonner ? Que je te revoie encore, marchant devant moi, une petite plume de coq frémissant à ton chapeau ! Et peut-être te pardonnerai-je mon ingratitude, ma méchan- ceté, et ce jour amer où je compris que je ne t'aimais plus.

Thierry ! La silhouette de Thierry entrevue dans la lueur d'un été ! Un grand garçon timide et bourru, tour- menté d'idées comme d'une puberté tumultueuse. Les pau- pières enflammées semblaient clignoter sur un perpétuel sourire que désavouait la bouche toujours crispée par des mots tyranniques, des injures, des cris. Je le revois, avec sa large culotte de velours miroitant. Un seul jour de fatigue donnait à son visage une maigreur inquiétante, un seul bon repas suffisait à le rendre presque obèse et luisant, luisant. Drôle d'homme !

Pour Neek, et quoi qu'il ait pu lui advenir, — es-tu toujours vivant, cher garçon ? — il demeurera celui qui m'apprit à aimer les héros de la musique. Ses longs doigts brusques s'évertuaient sur tous les pianos de rencontre ; il ne choisissait pas, comme ces gloutons de plaisir à qui toutes les femmes sont bonnes. Mais, à l'appel de ces doigts osseux, l'àme des maîtres descendait sur nous, s'installait parmi nous.

Enfin, toi, Biel, toi, mon préféré, toi, mon ami entre tous, toi qui m'as fait tant souffrir ! Silence. Pardon.

��*

*

��Est-ce donc là ce que je comptais vous dire ? Que non pas 1 Laissons cela, croyez-moi et revenons au Matscher-

�� �