Page:NRF 17.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

ON NE SAURAIT TOUT DIRE I47

choir de cotonnade jaune, du haut de ce perron auquel on accédait — c'est Gaspard qui les compta — par cent onze marches, pas une de plus.

Le Biel — Dieu 1 l'exécrable caractère 1 — nous harce- lait comme un taon.

— C'est aujourd'hui, disait-il, qu'il faut sauter par-dessus le Bildstôckljoch. Vous apprendrez ce qu'il en coûte de s'endormir tous les soirs dans les délices de Capoue.

Thierry parlait politique, ce qui, le matin, est mauvais pour les jambes. Neek, qui avait salué l'aurore d'une petite libation, se plaisait de sentir déjà le vin blanc lui ruisseler entre les omoplates. A quoi le Biel répondait :

— Vous n'êtes que des fesse-pinte. Vous déshonorez le (f grêlon » !

Raphaël, esprit pacifique, entreprit une conciliation qui dégénéra tout de suite en querelle. Ne partez jamais en voyage sans une grande provision d'injures.

Et c'est ainsi que nous abordâmes le Matschertal. Parfois, me retournant, j'apercevais la vallée de l'Adige, puissam- ment entaillée dans le pays montagneux. La petite ville de Glurns, sanglée dans son enceinte, carrée, nette et déposée sur la verdure comme un objet précieux, décochait par sa porte fortifiée une route mince, incandescente, plus droite que le regard du Père éternel. Nous tournâmes, sans regret, le dos à ces merveilles : nous étions à l'âge où l'on ne sait que regarder devant soi.

Devant nous, c'était le Matschertal, ravin noir au fond duquel hurl© un torrent de lait.

Je n'ai pas la prétention de vous raconter, en détail, cette journée du Matschertal : elle n'est pas à notre gloire. Tout se fût peut-être bien passé sans le satané village de Matsch. Il ne faudrait jamais rencontrer de villages, avec des gars comme Neek, comme Gaspard, comme Thierry.

En vérité, tout le monde fut content de cette petite auberge qui se prétendait « du cerf » ; — je vous demande un peu ! — Mais l'homme qui s'arrête pour une seconde

�� �