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14e LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sans mesure. A toutes mes remontrances, il répondait avec roideur :

— Je m'arrêterai quand je verrai le nez du Biel.

Le nez du Biel n'apparut que vers dix heures du soir. Le jambon était à peine ébréché. Vivent les cochons qui ont de pareils membres ! Mais, déjà, Neek était grièvement saoul, car jambon ne se mange sans boire et Neek formait, avec Thierry et votre serviteur, le très redoutable, le très magnifique clan du vin blanc.

A onze heures, la veuve Kolb vint voir comment allaient les choses. Elles allaient, ma foi, fort bien. La veuve Kolb refusa un cigare, mais accepta une pipe de tabac. C'était une aimable femme à la poitrine orageuse. Dire comment vers la mi-nuit, j'entrevis Raphaël navi- gant sur cette poitrine toute pareille à une mer démontée, voilà ce que je ne pourrais faire sans manquer aux règles de la discrétion et de la bienséance. Silence ! Et honneur à la veuve Kolb, reine des hôtesses à l'enseigne Zur Sonne !

En voilà bien assez avec Glurns. Qu'il vous suffise de savoir que je dormis mal. J'avais un lit à l'italienne, un lit de tôle peinturlurée. Il n'était pas de taille médiocre, au contraire ; mais, à proportion de la chambre, il me parut si réduit que je n'osai m'y coucher autrement qu'en chien de fusil. Oui, ce très grand lit me fut petit, relativement, et je m'y trouvai à l'étroit pour des raisons auxquelles le vin blanc demeure complètement étranger, pour des rai- sons philosophiques dont le développement et la critique m'éloigneraient de mon objet.

La journée du lendemain, qui était celle du 14 août, nous accueillit, comme il convient, dès le seuil de l'auberge Znr Sonne par une très éclatante fanfare de soleil. Un de ces soleils qui creusent, dans le ventre de l'homme, des abîmes où tous les liquides fermentes de la création s'engloutiraient sans laisser trace. Les adieux à la veuve Kolb furent des plus touchants : l'excellente personne versait des larmes^ Tant que nous fûmes en vue, elle agita son ample mou-

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