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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 79

légtre^ que l'artillerie lourde de CUramhault. Et peut-«}tre suffit-il de les montrer parfois, d'un doigt discret, au public. Je trouvais hier dans le numéro du 23 octobre 1920 de VEco- noniistf Enropécn, très considéré dans sa partie, ces lignes écrites par son correspondant de Londres : « On a convoqué la deuxième session du Comité de la lutte contre la faim et pour la reconstitution économique de l'Europe. Aux "figurants habi- tuels dans les manifestations de cette espèce, tels que Sir George Paish, M. Hirst, il s'est joint des Hollandais, des Autrichiens, des Allemands. Avec un fanatisme extraordinaire, Sir George Paish prêche la réconciliation et l'oubli. » Des gens qui se réunissent en conseil autour d'une table pour autre chose qu'un partage de dividendes et pour donner du pain à d'autres hommes sont, au regard de cet économiste, des figurants de cirque, et ce qu'on appelait au xvii« siècle des « espèces ». Brave économiste ! Je retiendrai longtemps « fanatisme extraordinaire ! n Q_uand j'ai bien bu et bien mangé, dit Sganarelle, je prétends que tout le monde soit saoul dans la maison ! Il faut des coups de bâton pour le changer en médecin : on en eût fait beaucoup plus facilement un éminent économiste.

Si un pareil état d'esprit devait nous séparer du reste de l'humanité, couper nos communications avec la conscience humaine et chrétienne élémentaire, il faudrait bien qu'inter- vinssent des Clérambault moins tendus. Le pauvre économiste qui a dénoncé le fanatisme extraordinaire de Sir George Paish n'a fait qu'étaler naïvement le sien. Et (puisque ce sont là des « réflexions sur la littérature »), évitons simplement des fautes de goût, celles dont CUrawhault n'est pas exempt. Un groupe de farceurs — les héros des Copains de Jules Romains — avait fait venir il 3' a quelques années à Paris le citoyen Brisset, angevin, proclamé par eux prince des penseurs. Les Copains allèrent le chercher à la gare, et, avant le banquet, le condui- sirent devant son collègue de bronze, le Penseur de Rodin, en l'invitant à formuler dans cette confrontation quelque pensée digne de mémoire : « C'est très beau, fit le Prince, mais est-il bien nécessaire de se mettre tout nu pour penser ? » Dès qu'il cessait de faire descendre l'homme de la grenouille, le citoyen Brisset ne manquait pas d'un certain bon sens. Ne croyons pas

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