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LE CARNET DES ÉDITEURS ' 5

Jean Rostand : LA LOI DES RICHES. Un volume in-i8 '.

La pitié de nos jours se fait rare ; ceux qui la renient le plus entièrement sont aussi ceux qui par nature étaient le mieux portés à s'abandonner à elle — et qui doivent par là se défendre contre eux-mêmes. Cette défense se voit portée dans l'ouvrage de M. Jean Rostand à son plus haut haut point de réflexion contenue, serrée. Comme l'apologie de la magistrature qu'écrivit Anatole France dans CrainquchUlc, la Loi des Riches donne au lecteur à douter, par instant, si elle n'est pas l'éloge de la richesse le plus vraisemblable qui ait été jamais écrit. M. Jean Rostand ainsi oblige aussi bien à réfléchir contre lui que suivant lui ; ce n'est pas là le moindre mérite d'un ouvrage subtil où abondent les traits, les réflexions d'une bonne venue psychologique, d'un parfait art littéraire :

En ayant un ami pauvre, tu introduiras chez toi un foyer permanent d'envie. Un mot insignifiant, fùt-il le mieux intentionné, le jette dans une mélancolie importune. Nous oublions parfois qu'il est pauvre, lui ne l'oublie jamais. Il a l'obsession, l'idée fixe de sa pauvreté, on ne parvient pas à l'en distraire.

Albert Thierry avait écrit : « l'homme en proie aux enfants». Voici en quelque sorte « le riche en proie aux pauvres ». Le problème qui consiste à « se tirer d'affaire » avec ses supérieurs comme avec ses inférieurs est trop grave, pour qu'il nous soit permis ici de négliger une seule solution, ou une chance de solution. Celle que M. Jean Rostand feint de nous proposer, et celle qu'en réalité il nous propose n'avaient jamais été présentées, depuis Swift, avec plus de vraisemblance et de raison que dans cette satire âpre, sincère et lucide.

JEAN DES BONNFI-EUILLES

��I. Bernard Grasset, éditeur, 6i, rue des Saints- Pères.

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