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LES REVUES 759

LES REVUES

LA CHASSE AU SANGLIER

De Joseph de Pesquidoux, dans I'Opixion' (19 Mars), ce cu- rieux et fort récit :

Les déprédations du sanglier exaspèrent nos métavers. Ils le chassent avec acharnement, à pied, le fusil au poing. Nul de nous n'est assez fortuné pour le courre. Ils organisent des battues, le plus souvent l'hiver. Dès que l'un d'eux, comme Jacot, du Piche-Hére, las d'être dévasté, de se lever en sursaut pour battre l'ombre vide ou guetter au clair de lune une bête qui l'éventé, s'est résigné « aux sacrifices », aux dépenses du retour de chasse, il fait appel à ses voisins.

Ils se dirigent vers la marnière proche. Non pour la cerner, certes, car ils savent que par ce temps où il vente nord, par ce soleil couleur de printemps déjà, l'animal aura choisi la meilleure exposition pour y passer le jour. Mais parce qu'ils veulent recueillir des indices, savoir si d'aventure il a pris par là, quelle direction il a suivie ensuite. Ils longent un pré, traversent une lande. Le chien en laisse trotte à côté d'eux. Et les premiers indices se font voir. C'est un groupe de pins comme saignés à mort, que la bête a déchirés en y aiguisant ses défenses, c'est un boutis dans la terre limoneuse, et, au passage d'un ruisseau, un « souil « profond qui garde l'empreinte du corps rude. Le chien s'anime et voici la marnière au bas d'un rehaut de terrain. Chacun scrute la place, discute, et le limier tirant au collier, M. Paul dit : « Allons à la forêt ». Il est midi. On mange un morceau sur le pouce, on repart. Et se succèdent des plaines, des coteaux, du chemin à user les pieds. En- fin les bois se dressent à l'horizon, rideau pâle troué de jour. Le chien s'agite humant l'air. Un effluve de chair forte semble flotter partout. On marche. On croise un tronc sec, maculé de boue mêlée de poils, où la bête s'est grattée. Plus loin, auprès d'un surgeon d'eau, sur le sable rouge, deux traces apparaissent, l'une grande, l'autre petite. Les chasseurs se regardent. Et maintenant le limier, le nez haut, pointe vers la forêt. On le suit. On aborde la lisière, on parvient à la coupe. On s'arrête, on se passe la consigne à voix basse : doucement ! Un filet de vent lui apportant l'ombre d'un son avertirait l'animal. I' entend se détacher une feuille. Jacot indique du doigt le réseau de voies con- vergeant vers la bauge, et la manœuvre d'encerclement commence, rapide, silencieuse. Tandis que M. Paul et son limier, acteurs mobiles, se placent à l'entrée d'un layon, les autres grimpent ou descendent, vont s'emparer des issues pour n'en plus bouger, et, retenant leur souffle, les sur\'eillent. Jacot fait face à une brèche dans un tertre.

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