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748 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

S'il m'eût fallu aller \ Venise ou à Florence, écrivais-je à ce moment-là, c'eût ùxé, certes, l'âme recueillie et prête à d'admi- ratifs étonnements, mais c'eût été avec un appétit plus intellec- tuel que sensible, et avec moins de confiance dans le pouvoir animateur de ce climat nouveau. L'Italie, qui inspira si long- temps l'art français, me semble vraiment perdre un peu plus, chaque jour, auprès des peintres modernes, sinon de son pres- tige, du moins de sa puissance inspiratrice. Prendre contact avec l'Italie, eût été pour moi comme accomplir un pieux pèle- rinage sans être empli du zèle ardent du croyant. A part Raphaël, que l'on trouve présent partout où il y a recherche d'intensité plastique, ne serait-ce pas le génie réaliste de Rubens et de Rembrandt, de Breughcl et de \'eermer (je confonds à dessein les peintres des anciens Pays-Bas) qui coïnciderait le mieux avec le génie français, kl qu'il tend à se réveiller ?

Ces notes, malgré la circonspection à laquelle les propos que j'ai cités plus haut me disposent, je les relis sans éprouver aucun désir de les modifier. Quel que soit mon désir d'éviter l'exagé- ration coutumière aux u militants » je ne peux m'empêcher d'en transcrire ici une partie. Je les donne telles que je les retrouve sur mon carnet de croquis, en m'excusant de n'avoir ni le temps de les polir, ni celui de les agrémenter de considérations oppor- tunistes.

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��La Hollande propose à l'attention du visiteur, dès le premier jour, l'exemple d'un dualisme extrêmement attachant. A Amster- dam, au détour de chaque rue, des travaux de démolition mon- trent au passant, à la place de ce qui fut une coquette maison, de grandes excavations au fond desquelles stagne une vase épaisse et noire. — Toute la Hollande repose sur un fond répu- gnant de boue, mais élève dans un ciel aux clartés sublimes ses maisons et ses monuments, tantôt assombris par l'humidité ambiante, tantôt spiritualisés par une céleste lumière. L'âme des Hollandais est ainsi partagée, et les œuvres de ses peintres reflè- tent fidèlement un goût égal pour la matière, pour les grasses jouissances et pour les spéculations de l'esprit, pouvant aller jusqu'au mysticisme préraphaélite ou au dédain des exigences plastiques.

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