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68 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

selon le Langage tout professionnel de l'ancien procureur géné- ral Qiiesnay de Beaurepaire, dans la largeur d'un coup de filet. Il y eut plus tard le moment où ils furent en majorité dans le pays et même dans la Chambre, les hommes politiques ayant libéré leur conscience. Et pourtant, à l'un ou l'autre de ces moments, l'affaire Dreyfus était entière. Pareillement Clérain- haitlt pose l'existence d'une affaire de la guerre, d'une affaire qui aurait été d'abord le cas Romain Rolland de 19 14, comme l'affaire Dreyfus fut d'abord le cas Scheurer-Kestner. Et M. Romain Rolland espère sans doute que le moment viendra où la « \'érité » et la « Justice » auront dans ce cas une satis- faction finale' analogue à celle qu'elles purent éprouver dans l'autre. Et si elles ne l'obtiennent pas, cela lui sera dans un certain sens indifférent : une conscience libre n'a de satisfaction propre que celle qu'elle tire d'elle-même ; en attendant il aura écrit Ch'rainbimlt.

Cette chronique de la guerre vue d'une conscience ne nous rajeunit nullement, comme on pouvait l'espérer, de quatre ou cinq ans. M. Rolland n'a pas réussi, de ses retraites suisses, à reconstituer l'atmosphère d'un pays en guerre, et peut-être^ entre autres raisons, pour celle-ci qu'il n'y était pas. Il va au- delà : il nous rajeunit de vingt ans. Clcrainhaiill appartient à la série des ouvrages que fit naître l'affaire Dreyfus chez les écri- vains de 1900, tels que Monsieur Berge ni à Paris et que Justice. Inutile de dire que îvl. Rolland est à l'antipode littéraire d'Ana- tole France, et qu'avec un peu plus de nuances et d'intelligence il se rapproche assez du Zola de la dernière période. Aussi, toutes autres raisons mises à part, sera-t-il, comme Zola, plus goûté des lecteurs étrangers que des lettrés français. Si Clérauibaiilt se tient un peu moins que Jean-Christophe, comme les Quatre Evan- rriles se tenaient beaucoup moins que le Docteur Pascal et la Débâcle, il est facile de voir dans quelle mesure le souci de se faire évangéliste a diminué chez l'un et chez l'autre l'attention à l'art. Mais enfin je n'attache pas à cette considération plus d'importance qu'il ne convient. Même ce qu'il y a de meilleur dans Zola et dans M. Rolland n'est pas écrit pour l'éternité. Et l'intérêt vivant que nous portons à l'auteur et à son œuvre crcnérale, celui surtout que nous gardons au drame social où ils sont pris, où ils font figure d'acteur et de témoin, compense

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