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728 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

De même pour la douleur, Tamour, l'idée et surtout pour ces émotions profondes et sans nom précis, sur lesquelles Romains apporte souvent les documents les plus révélateurs.

Comprise de la sorte, l'image n'est plus une parure plus ou moins inijénieuse mais le ténioio-nao[e immédiat de notre cens- cience. Et dès lors la suite des notations et des métaphores nous offre notre véritable absolu, dont la réalité s'accorde bien à ce réalisme qui est au fond de l'art de notre pays.

L'élément intellectuel de ces poèmes est pourtant de toute importance : c'est dans la composition qu'il faut le déceler. L'œuvre est vertébrée. Le plus éclatant détail y sait obéir à l'ensemble. Le tout connaît chacune des parties : les unes cons- truites en alternance ou en parallélisme, d'autres dessinées par l'angle d'une décision, les détours de l'aventure, les méandres du temps, d'autres élancées en un sursaut suprême ou recueillies peu à peu dans les paumes de la méditation.

Cette autorité du poète sur la matière qu'il façonne ne se laisse nulle part mieux discerner que dans le rythme — la mu- sique d'une poésie en est la confidente. On sait que la forme prosodique créée par Romains en vue des vastes ensembles qu'il aime à établir est celle du vers blanc employé par strophes ou larges laisses de même mesure. Il sait user des possibilités de cette rythmique avec le sens le plus subtil et obtenir décisi- vement ce qu'il lui faut, même par les moyens les plus contra- dictoires en apparence. C'est ainsi que le Voyage des Amants semble à la mémoire écrit en vers libres tant les mètres y sont variés, tandis que chaque page donne à la lecture une incontes- table impression de régularité.

Mais je veux vous laisser seul avec ce beau poème dont nous venons de nous entretenir de façon sommaire. Laissez-moi pourtant vous demander de vous apercevoir qu'il offre en dehors de ses propres mérites celui de compléter l'une des œuvres poétiques les plus importantes de notre temps. Une œuvre qui ne vise point à l'éblouir mais sait lui apporter sa véritable image. Après la puissante affirmation de la Vie Unanime, les intuitions des Odes, les larges vues d'Europe, l'âpre et fruste et autochtone Cromedeyre-k-Vieil, le Voyage des Amants^ cette grâce qui est comme le bonheur de la force.

Ce livre ne marque pas avec moins d'éclat dans une certaine

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