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722 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à mes forces et la certitude de me faire (à grand regret d'ailleurs) d'injustes ennemis aux multiples sécurités de ces écritures inu- tiles. » Qu'il y ai), ici quelque trace d'aigreur injustifice, c'est évident et regrettable : les « périphrases y> qui éclairent et expli- quent une œuvre lui donnent une atmosphère, une action, la font participer à la vie sociale de l'art. Si c'est une marque de lâcbeté intellectuelle que de prétendre tout comprendre sans rien juger, de laisser s'endormir et disparaître son goût, il faut aussi se garder d'aller trop indiscrètement, armé d'un infaillible crayon bleu, à l'assaut des auteurs. Les Sentiments de î'Académit sur k Cid, le Coinmmtaire de Voltaire sur Corneille, que sont- ils devenus ? k La critique, dit M. Lasserre, est une forme, émi- nente entre toutes, de la création iatellectuelle, ou elle n'est point, n Le critique au crayon bleu, jusqu'ici, n'a pas créé grand'chose et nous nous réjouissons de voir M. Lasserre lui tourner le dos en nous annonçant un grand ouvrage en trois ^X)lumes sur Renan. Ce qu'il a écrit sur Goethe, sur Mistral nous le montre aussi éclairé par l'admiration, quand il parle des maî- tres qu'il aime, qu'aveuglé par le parti-pris, lorsqu'il se spécia- lise dans l'éreintement. Rien de plus dangereux, qu'un érein- tement manqué a dit André Gide : il se retourne contre sou auteur. Sans prétendre le retourner contre M. Lasserre, j'en trouve dans les Chapelles un petit exemple assez . curieux par lequel je termine.

Parmi les ennemis de M. Lasserre figure le philosophe Dur- kheim. L'article sur Péguy lui est une occasion d'inquiéter la mémoire d'un sociologue dont on peut discuter certaines œuvres, mais dont j'admire trop le labeur et même l'influence pour laisser passer sans protestation le déguisement étrange que lui inflige ici M. Lasserre. Nous apprenons que

(( sa doctrine se réduisait à ce point : tout ce que les sociétés dites civilisées et celles-là surtout qui se sont crues plus civilisées que les autres, ont adopté, pratiqué, approuvé jusqu'ici en fait de mœurs, de traditions, de sentiments généraux et de goûts, en fait d'institutions lit- téraires et pédagogiques, tout cela a des raisons d'être au sujet des- quelles les esprits les plus éclairés de ces siècles sont plongés dans la plus complète illusion. Tout cela n'est... qu'autant de survivances, plus ou moins évoluées et transformées, du totem ou culte des animaux et du tahou ou fétichisme, qui distinguent les sociétés primitives. Le droit

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