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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 721

son siècle et même le ww ; il n'y voit guère, dans son Couuncn- tairc, que des scènes ridicules de convulsionnaires. C'est la cri- tique du xixe siècle, avec Sainte-Beuve et après lui, qui a pres- que découvert Polycucte, et il y fallait cette réintégration du christianisme dans l'art, qui date de Chateaubriand. Il en est de même à'Aihalie que Voltaire et le xviiie siècle ont enfumée en en faisant le type de la tragédie de collège. Et ce n'est pas le billet de confession qui manquait à Voltaire (le vieux singe obligea le curé de Ferney à lui en délivrer un, à le faire com- munier, et bâtit l'église Deo erexit Voltaire). C'est un sens du christianisme qui doit compléter le sens critique lorsque le sens critique s'applique aux œuvres chrétiennes, de même qu'un sens de l'hellénisme doit animer le sens critique tourné vers Sophocle ou Platon. M. Lasserre a écrit un excellent livre sur Mistral, le seul contemporain avec Moréas qui lui ait paru mériter une louange sans réserve, et il l'a intitulé : Mistral, Photnine, le poète, le citoyen. Il a admirablement vu que Mistral n'est pas seulement un grand poète, mais un poète citoyen, qu'il est impossible de le comprendre si on n'a pas le sens de la cité. Je ne crois pas non plus qu'il soit possible de comprendre la suite et le sons de l'œuvre de Claudel si on ne cherche pas à se donner plus ou moins un sens de la Cité de Dieu. Là est le centre d'intelli- gence, le quartier général de l'esprit critique appliqué à Claudel. Cela n'empêchera pas l'esprit critique de rayonner, de discuter, de juger, de discerner le bon, le médiocre et le mauvais, d'es- timer que la Reine Jeanne de Mistral n'a guère plus de portée que le Moïse de Chateaubriand, et que le comique de Protée ne vaut pas celui du Légataire Universel.

Cela entendu, nous entourerons la chapelle critique de \'ol- taire, de la Harpe, de Fontanes, de Villemain, de Nisard, de Brunetière, de M. Lasserre, d'autant de sollicitude et d'estime que M. Barrés en voulait mettre autour de nos églises de village. Nous dirons, comme M. Barrés, en la défendant : C'est pour moi-même que je me bats. Pour moi-même, c'est-à-dire pour la dignité et l'indépendance de la critique. « Assez d'autres, dit M. Lasserre, entendent par critique le simple fait de vivre delà substance de ceux qui produisent, en enroulant autour de leurs - œuvres un lacis de périphrases chétives et inopérantes, je pré- fère les risques honorables d'une entreprise peut-être supérieure

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