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720 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dit quelque part que \'oltaire, ayant pris le sceptre de la cri- tique, désigna pour lui succéder La Harpe, que La Harpe désigna Font.ines, que Fontanes désigna Villemain, et il se plaint que \'illemain n'ait encore désigné personne. Posait-il sa candida- ture ? Aspirait-il à descendre ? Mais peut-être pourrait-on con- tinuer cette image en disant que Villemain aurait pu désigner Xisard, Nisard Brunetière, et que Brunetière aurait peut-être pu désigner M. Lasserre si la Revue des Deux Mondes n'avait pas été brouillée avec l'école politique à laquelle celui-ci appartient. (Nous n'avons vu de notre temps qu'une transmission de ce genre. C'est Sarcey disant à Lemaître : Allez ! allez ! après moi c'est vous qui serez la vieille bête.)

Cette chaîne désigne une ligne très respectable de critique traditionnelle, et on doit souhaiter qu'elle ne finisse pas avec M. Lasserre. Mais croirons-nous Voltaire sur Shakespeare, La Harpe sur Corneille (Le petit homme à son petit compas...), Fon- tanes sur Lamartine, Mlleniain sur Goethe, Nisard sur Victor Hugo, Brunetière sur Baudelaire, M. Lasserre sur Claudel Toute cette critique a ses limites sans laquelle elle ne serait pas. Et puisque nous parlons de trois écrivains catholiques, Claudel, jammes et Péguy, voici des lignes de M. Lasserre qui nous feront sentir fort bien ces limites.

Déclarant avec raison qu'il n'y a pas besoin d'être catholique pour juger un écrivain catholique, il ajoute : « Voltaire passe pour avoir parlé en critique aussi rnerveilleux qu'enthousiaste de Bossuet, de Massillon, des tragédies de Polyeucte et à'Athalie et autres œuvres ou génies inspirés par les croyances chré- tiennes. Devrons-nous admettre que Voltaire n'ait rien entendu à de tels sujets et le prendre pour un sourd expliquant la mu- sique ? » Mais oui, à peu près. Voltaire a bien parlé des œuvres chrétiennes dans la mesure où on peut en bien parler après les avoir vidées de leur christianisme. Ce Massillon qui réalisait pour lui le type de la perfection du bien-dire, si on ne le lit plus guère c'est en partie parce qu'il annonce le xviii^ siècle, c'est en partie parce que ses sermons ou bien sont pauvres de substance chrétienne ou bien ne l'admettent que contrainte et forcée. Le Bossuet que connaît Voltaire n'est qu'un Bossuet d'ap- parat. Et Voltaire n'a pas parlé merv-eilleusement de Polyeucte, car il l'a fort mal compris, aussi mal que l'avaient compris

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