Jévakine. — Ça, je ne saurais vous le dire. Je n'ai pas remarqué si on laboure ou si on ne laboure pas. Mais en ce qui regarde le tabac à priser, je puis vous rapporter que non seulement on le prise, mais que, même, on en mâche. Les moyens de transport aussi y sont à très bon compte. Là-bas, il y a presque partout de l'eau, et partout des gondoles... Une de ces petites Italiennes, naturellement, y est assise, une de ces petites roses gentiment habillées : une chemisette, un mouchoir de tête !... Il y avait en même temps que nous, en Sicile, des officiers anglais. Ce sont des gens à peu près comme nous, bref des marins... Au début, c'est bizarre, on ne se comprenait pas. Mais quand on eut bien lié connaissance, on commença à s'entendre. On se montrait une bouteille et un verre, et on comprenait tout de suite qu'il fallait boire. Si on se mettait la main fermée devant la bouche en aspirant : pff, pff, on savait qu'il fallait fumer une pipe. En somme, je puis vous le dire, c'est une langue assez facile. Nos matelots, en l'espace de trois jours, se faisaient comprendre, et, même, comprenaient.
Iaïtchnitsa. — C'est une chose extrêmement intéressante, je le vois, que la vie dans les pays étrangers. Il m'est très agréable d'avoir fait connaissance avec un homme qui a vu tant de choses. Puis-je vous demander à qui j'ai l'honneur de parler ?
Jévakine. — Jévâkine, lieutenant de marine en retraite. Permettez-moi, à mon tour, de vous demander avec qui j'ai le bonheur de m'entretenir ?
Iaïtchnitsa. — Ivane Pâvlovitch Iaïtchnitsa [Omelette], employé de chancellerie.
Jévakine, qui a mal entendu. — Moi aussi, je viens de faire un léger repas. Je savais que la route était longue ; et le temps est frais ; j'ai mangé un peu de hareng et un petit pain.
Iaïtchnitsa. — Je crois que vous n'avez pas bien compris. C'est mon nom qui est Iaïtchnitsa [Omelette].