Page:NRF 16.djvu/666

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le soleil, mais les soleils, ne cessent d’y jouer. Je ne parle plus de la cendre du soleil qui revient tant de fois, mais des « joyeux soleils des naïves années », des « stériles soleils qui n’êtes plus que cendres », de « tant de soleils qui ne reviendront plus », etc. Sans doute tous ces soleils traînent après eux bien des souvenirs des théogonies antiques. L’horizon est « divin ». La vie antique est faite inépuisablement

Du tourbillon sans fin des espérances vaines.


Ces soleils

L’esprit qui les songea les entraîne au néant.

Cet idéalisme subjectif nous ennuie un peu. Mais on peut le détacher. Il reste la lumière et ce qui le compense délicieusement, la fraîcheur. Baudelaire se souvenait bien de cette nature tropicale. Même « derrière la muraille immense du brouillard » il faisait évoquer par sa négresse « les cocotiers absents de la superbe Afrique ». Mais cette nature, on dirait qu’il ne l’a vue que du bateau. Leconte de Lisle y a vécu, en a surpris et savouré toutes les heures. Quand il parle des sources, on sent bien que ce n’est pas en rhéteur qu’il emploie les verbes germer, circuler, filtrer ; le simple mot de graviers n’est pas mis par lui au hasard. Quel charme quand il va se réfugier près de la Fontaine aux Lianes, lieu réservé presque à lui seul,

Qui dès le premier jour n’a connu que peu d’hôtes.
Le bruit n’y monte pas de la mer sur les côtes,
Ni la rumeur de l’homme, on y peut oublier.
Ce sont des chœurs soudains de chansons infinies


Là l’azur est si doux qu’il suffit à sécher les plumes des oiseaux.

L’oiseau tout couvert d’étincelles
Montait sécher son aile


(dans une des pièces :