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reposer pendant quelques années une partie de son œuvre, quitte à y revenir quand ils sont fatigués de cultiver l'autre. Lassés par le côté déclamatoire des Nuits qui sont pourtant ce vers quoi il a tendu, ils font alterner avec elles de petits poèmes

Plus ennuyeuse que Milan
Où du moins deux ou trois fois l'an Cerrilo danse.

Mais un peu plus loin dans- la même pièce des vers sur Venise où il a laissé son cœur, découragent. On essaye alors des poésies simplement documentaires qui nous montrent ce qu'étaient au temps de Musset les bals de la « season ». Ce bric à brac ne suffit pas pour faire un poète (malgré le désopilant enthousiasme avec lequel M. Taine a parlé de la musique, de la couleur, etc., de ces poésies là). Alors on revient aux Nuits, à l’Espoir en Dieu, à Rolla qui ont eu le temps de se rafraîchir un peu. Seules des pièces délicieuses comme Namouna, demeurent vivaces et donnent des fleurs toute l'année.

C'est encore à un bien plus bas échelon qu'est le noble Sully Prudhomme, au profil, au regard à la fois divin et chevalin mais qui n'était pas un bien vigoureux Pégase. Il a des débuts charmants d'élégiaque :

Aux étoiles j'ai dit un soir
Vous ne me semblez pas heureuses

Malheureusement cela ne s'arrête pas là, et les deux vers suivants sont quelque chose d'affreux que je ne me rappelle plus bien :

Vos lueurs dans l'infini noir
Ont des tendresses douloureuses.

Puis, à la fin, deux vers charmants. Ailleurs il confesse avec grâce :

Je n’aime pas les maisons neuves
Elles ont l’air indifférent

Hélas, il ajoute aussitôt quelque chose comme ceci :