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porté comme nom d'auteur au lieu de celui, alors honoré, de Wagner, le nom décrié de Gounod.

Depuis les choses ont un peu changé. Et la nécessité de n'inscrire sur un menu musical que des œuvres françaises ou alliées, fit sortir de la poussière Faust et Roméo. En pareille matière le cuisinier n'a qu'à se conformer aux interdictions du médecin nationaliste. On change le nom des entremets comme le nom des rues. Et de grands métaphysiciens purent faire une histoire de la philosophie universelle sans prononcer une seule fois les noms abhorrés de Leibnitz, de Kant et de Hegel, sans compter les autres. Cela ne laissait pas de creuser quelques vides, insuffisamment remplis par Victor Cousin.

C'est dans les pièces relativement courtes (la Pipe m'en semble le chef-d'œuvre) que Baudelaire est incomparable. Les longs poèmes, même le Voyage

Pour l'enfant amoureux de cartes et d'estampes
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !


(et Jacques Boulenger, de beaucoup le meilleur critique, et bien plus que critique, de sa génération, ose nous dire que la poésie de Baudelaire manque de pensée !) même ce sublime Voyage qui débute si bien, se soutiennent ensuite par de la rhétorique. Et comme tant d'autres grandes pièces, comme « Andromaque je pense à vous, » il tourne court, tombe presque à plat. Le Voyage finit par


Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau.


et Andromaque par

Aux captifs, aux vaincus, à bien d'autres encor.


C'est peut-être voulu, ces fins si simples. Il semble malgré