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Booz ne savait pas qu’une femme était là
Et Ruth ne savait pas ce que Dieu voulait d’elle[1].


Et dans ceux qui suivent quel art suprême pour donner en redoublant les l, une impression de légèreté fluidique :

Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

Alfred de Vigny n’a pas procédé autrement : pour insuffler une vie intense dans cet autre épisode biblique, la Colère de Samson, c’est lui-même Vigny qu’il a objectivé en Samson et c’est parce que l’amitié de Madame Dorval pour certaines femmes lui causait de la jalousie qu’il a écrit :

La femme aura Gomorrhe et l’homme aura Sodome


Mais l’admirable sérénité d’Hugo qui lui permet de conduire Booz endormi jusqu’à l’image pastorale de la fin,

Quel Dieu, quel moissonneur de l’éternel été
Avait, en s’en allant, négligemment jeté
Cette faucille d’or dans le champ des étoiles.


cette sérénité, qui assure le majestueux déroulement du poème, ne vaut pas l’extraordinaire tension de celui d’Alfred de Vigny. Tout aussi bien dans ses poésies calmes Vigny reste mystérieux, la source de ce calme et de son ineffable beauté nous échappent. Victor Hugo fait toujours merveilleusement ce qu’il faut faire ; on ne peut pas souhaiter plus de précision que dans l’image du croissant ; même les mouvements les plus légers de l’air, nous venons de le voir, sont admirablement rendus. Mais là encore la

  1. C’est intentionnellement que je ne fais pas ici allusion aux études d’une drôlerie et d’une ampleur magnifique que Léon Daudet a publiées récemment avec un succès juste et prodigieux. Ici il n’importe pas que Victor Hugo ne fût pas réellement Booz ; mais qu’il le crût ou cherchât à le faire croire.