Page:NRF 16.djvu/641

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 635

faits. Mou lyrisme (attention aux pauses et aux distances) ne suppose que synthèse. Lumière sans couleur, existences sans attributs, hymnes sans interjections, impassibilité et èloigncment, ordres et non figures, voilà ce que je puis vous donner. »

Mais très vite la théorie formelle a contaminé la matière même. Aujourd'hui le groupe de la Ronda affiche son mépris non seulement pour les effusions personnelles ou les représen- tations de la vie contemporaine ou locale, mais encore pour la recherche de sujets nouveaux. C'est une tendance comparable à celle qui fit traiter, au dernier salon des Indépendants, le vieux thème de l'Enlèvement d'Europe par André Lhote et par Favory. Bacchelli a donné à\a Ronda un Hamlet, un Sparlacus, un Abandon d'Ariane. Cardarclli annonce les Fables de la Genèse, qui ont pour sujets des épisodes de l'Ancien Testament.

« Les grands poètes, écrit Cardarelli, o»/^«^t; répéter et s'imiter, par une habitude qui est devenue traditionnelle, parce quils savaient que les sujets poétiques les plus profonds, ceux dont on ne peut se passer, se trouvent déjà inscrits dans la nature, et n'appartiennent en définitive à personne. Et ils ne craignaient point de ne pas paraître originaux. Ils étaient heureux au contraire que lestnotifschers à leur inspiration fussent consacrés par quelque précédent insigne. Ils en tiraient, quant à eux, encouragement à sentir. »

Et ailleurs : « Quand la passion d'un poète commence à avoir à sa disposition des moyens d'expression trop savourés et trop parfaits, qui souvent coïncident avec une abondance paralysante, lorsque, pour signifier ses idées et discourir de ses douleurs, il commence à prendre des allures subtilement blasées et badines, l'heure est proche pour l'ar- tiste qui ne se satisfait pas des purs sortilèges du style, — si chers du reste aux grands écrivains romantiques, de Gœthe à Nietzsche, — l'heure est proche de s'établir dans un genre d'art qui permette à l'ins- piration de l'écrivain une liberté de modulations et d'attitudes plus compréhensive sur un fond, en même temps, plus purement illusoire. Incipit comœdia, dirait-on en paraphrasant un mot de Nietzsche lui-même. La comédie de l'art objectif. En vérité, continuer à feindre à la première personne finirait par devenir à la longue un jeu trop pauvre en surprises. »

On voit les conséquences heureuses qui pourraient découler

pour la littérature italienne de ces théories, si elles étaient illus-

'trées par des oeuvres. Que Cardarelli ou un de ses compagnons

�� �