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634 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tifices typographiques, ils opposent un retour à l'ordre, à la décence, et, pour tout dire d'un mot, à Ja grande tradition ita- lienne, interrompue, d'après eux, depuis Leopardi.

C'est de Leopardi qu'ils se réclament, d'où le nom de néo- classiques qu'on leur a donné et qu'ils ont lini par accepter. Toute la littérature postérieure au poète de la Ginestra, en par- ticulier l'œuvre de Carducci, de Pascoli et de D'Annunzio, est rejetée par eux avec une intransigeante sévérité. Vergaseul trouve grâce. Ils ont pour organe attitré la revue mensuelle La Rcuda, dont le doctrinarisme n'a pas faibli un instant depuis sa fonda- tion en mars 19 19 parles sept écrivains suivants : Riccardo Bacchelli, Antonio Baldini, Bruno Barilli, Vincenzo Cardarelli, Emilio Cecchi, Lorenzo Montano, Aurelio E. Safli.

LaRonda a naturellement, et d'abord, sa théorie de la langue qui est celle de Leopardi, à savoir que la langue italienne est « la dernière des langues anciennes, dont l'excellence unique, orthographique, grammaticale, esthétique soutient et explique la continuité à travers les siècles... Il nous a été accordé, à nous Italiens, l'idée formelle d'un langage antique et moderne, ina- liénable et incorruptible. » (Ronda, octobre 1920). «Toute la perfection qu'il est possible d'atteindre dans l'art fut atteinte,- chez nous, très vite, en un prodigieux et précoce épanouissement méridien... Il n'est pas possible de concevoir dans notre pays un art véritable qui ne soit pas un art classique. » (Cardarelli, Viaargi ncl Tempo, pp. 11 7- 119). En d'autres termes, il existe depuis Dante une langue littéraire distincte du langage parlé.

C'est à elle qu'il faut s'en tenir, car elle seulepermet d'attein- dre à la forme classique, dont la littérature italienne ne doit point s'écarter et dont elle a eu le tort de s'écarter depuis Manzoni.

Dans une première période, la Ronda fut surtout un eftbrt vers une expression classique de style et de langue, capable de don- ner une forme définitive à l'expérience romantique. Les Prologhi et les Viaggi ncl Tempo de Cardarelli, le mieux doué et le chef de tout ce groupe, ne visent qu'à cela, et si on les traduit, il ne reste le plus souvent qu'un résidu de romantisme post- nietzschéen : « Si tu savais quel est l'amour qui me lord la nuit dans ma chambre, comme un arbre qui cherche l'air !... démon noir !... Vierge injuste et damnée ! » Ou encore : « Je dévore les

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